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Investir dans l’égalité : les jeunes femmes innovent pour améliorer leur santé, leurs droits et leur vie

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En République unie de Tanzanie, Juliana Magesa a fondé Young Mums Unite, un groupe d’entraide au sein duquel les mères de 15 à 24 ans peuvent trouver des informations et des services essentiels de planification familiale, de santé maternelle et d’aide psychologique. © UNFPA/Msomi Huru
  • 07 Mars 2024

NATIONS UNIES, New York – « Je dirige une équipe de six femmes merveilleuses, dont les spécialités vont des chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques jusqu’à l’ingénierie logicielle en passant par le marketing digital, et notre projet d’autonomisation des jeunes femmes afin qu’elles puissent s’occuper de leur santé est jusqu’ici absolument incroyable », se félicite Chioma Uzoma, 26 ans, originaire du Nigeria.
 
Mme Uzoma est l’une des 14 gagnantes de l’initiative féminine 4HerPower Challenge, organisée par l’UNFPA (l’agence des Nations Unies en charge de la santé reproductive), MIT Solve et Organon, afin de soutenir les innovations dans le domaine de l’accès à la santé sexuelle et reproductive et des droits connexes pour les jeunes du monde entier.

Sur toute la planète, les femmes passent 25 % de leur vie de plus que les hommes à vivre des problèmes de santé handicapants, ce qui est le résultat d’une inégalité dans la recherche en matière de santé, dans la collecte de données, dans la prestation des soins et dans l’investissement. On estime que ce « écart de santé des femmes » coûte à l’économie mondiale mille milliards de dollars.

Toutefois, des innovatrices s’engagent pour combler ces lacunes et sauver des vies.

La volonté d’aider les laissées pour compte

Au Nigeria, les confinements liés à la COVID-19 ont conduit Mme Uzoma à une prise de conscience brutale. « Pendant la pandémie, j’ai vu à quel point c’était difficile pour les femmes et les filles de ma communauté d’avoir accès à des soins de santé de qualité et de bénéficier de manière fiable et régulière de services et de produits de santé sexuelle et reproductive. »
 
Pour répondre à ces besoins, elle a fondé l’organisation à but non lucratif Medvax Health, la toute première pharmacie en ligne dédiée aux femmes. Mme Uzoma explique que l’application mobile associée Medtracka, pilotée par l’IA, « aide à pallier le manque d’égalité dans l’accès à des soins adaptés, et est conçue pour les femmes et les filles de communautés à ressources faibles ou moyennes. Nous mettons les femmes en relation avec des gynécologues, des thérapeutes spécialistes de la santé mentale et des conseiller·e·s en ligne. L’application permet un accès plus facile à des kits de diagnostic, à des médicaments et à des produits de soins personnels, et assure même un service discret de livraison à domicile si nécessaire. »
 
À ce jour, elle a permis d’aider plus de 8 000 jeunes et de distribuer plus de 4 000 produits de santé sexuelle gratuitement. Isioma*, utilisatrice de l’application, déclare : « il ne s’agit pas d’un énième produit numérique, c’est devenu ma communauté ; je sais que je ne suis pas seule à vivre les difficultés particulières que connaissent les femmes dans le monde actuel. »

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En Asie du Sud-Est, StandWeSpeak fournit directement informations et services aux jeunes, notamment celles et ceux des communautés marginalisées, par l’intermédiaire de Mae, un chatbot piloté par l’IA. © UNFPA/Yog Mukim

Des services sur mesure, par les femmes et pour les femmes

L’équité était également un aspect essentiel de la Kayayei Insight Initiative de Samiha Yunis. Au Ghana, les kayayei sont des porteuses, qui transportent des charges lourdes sur les marchés. Ce sont généralement des migrantes originaires des zones rurales du pays, et elles n’ont qu’un accès limité à l’information et aux services de santé reproductive, ce qui les expose aux risques d’IST et de grossesses non planifiées, alors même que leur travail éreintant crée des risques en matière de santé maternelle.
 
« Nous les faisons participer directement, afin que les solutions que nous proposons répondent non seulement à des besoins réels mais soient adaptés à la culture des personnes que nous aidons et leur permettent d’en profiter pleinement », explique Mme Yunis. Son projet a aidé plus de 200 femmes et fait état d’une augmentation de 40 % de l’utilisation de contraceptifs. « Nous prévoyons d’élargir nos interventions fondées sur des données probantes dans tout le Ghana, et d’appliquer notre modèle dans d’autres pays à faible ou moyen revenu qui font face aux mêmes difficultés », précise-t-elle.
 
En Türkiye, HERA AI propose des conseils de santé aux populations vulnérables dans les situations d’urgence. Ce projet a commencé avec l’objectif d’aider les femmes et les enfants réfugiés, en mettant en relation les utilisatrices avec des services de santé reproductive et néonatale et de vaccination. HERA est l’aboutissement de l’expérience de toute l’équipe, qui communique de façon continue avec les femmes réfugiées pour comprendre leurs besoins et déterminer quelles sont les solutions qu’elles préfèrent.

Innover pour l’éducation

En Bolivie, SELF-DISCOVER[ED] vise à sensibiliser les étudiantes autochtones ou de première génération à leurs droits, en particulier pour lutter contre les grossesses adolescentes et les abus sexuels. Magali Lucana Mamani explique que son initiative encourage l’entraide : « j’ai vu quelles étaient les difficultés des femmes de ma famille, qui n’ont pas eu l’opportunité de faire des études et encore moins de s’informer sur leurs droits et leur santé sexuelle et reproductive ». Ayant vu sa grand-mère surmonter les obstacles et la discrimination et devenir sage-femme, Mme Mamani a choisi de suivre ses traces. « Mon équipe et moi nous assurons que les générations futures ont les outils et les opportunités nécessaires pour prendre des décisions éclairées. »
 
Selon Linh Hoang, fondatrice et PDG de la plateforme d’éducation complète à la sexualité TeenUp, au Vietnam, les idées reçues constituent toujours une grande difficulté. « Certains parents craignent qu’il ne soit trop tôt dans la vie de leurs enfants pour ces informations ». Cependant, grâce à des partenariats avec les écoles locales et des éducateurs et éducatrices spécialisé·e·s, son projet permet de parler aux jeunes, par le biais d’une application, de moyens de contraception et d’hygiène personnelle, tout en veillant à ce que le contenu soit adapté à leur âge et à leur culture. « Nous avons pu toucher 50 000 parents et enfants, ce qui a permis de faire évoluer les perceptions et d’encourager des discussions saines. »
 
Par ailleurs, en Asie du Sud-Est, StandWeSpeak propose des informations et services de santé sexuelle et reproductive directement aux jeunes. Les utilisateurs et utilisatrices peuvent interagir de manière anonyme avec Mae, un chatbot qui les met en relation avec des expert·e·s de la santé et facilite leur accès à l’hygiène menstruelle et aux contraceptifs. Mae a ainsi répondu à 40 000 questions par mois, issues de 15 000 personnes dans six pays, et est devenue une ressource fiable.
 
« Notre engagement pour garantir l’anonymat assure que les communautés marginalisées, qui n’osent souvent pas demander de conseils sur ces sujets, puissent avoir accès à des informations vitales en toute discrétion », explique la cheffe d’équipe, Priyal Agrawal.
 
Une jeune utilisatrice, Diya*, confirme. « Pas de conversations gênantes, aucun jugement, juste de véritables conseils bienveillants dès que j’en ai besoin. »

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Munira Twahir a créé au Kenya Ari The Pad ATM, une initiative qui a permis de distribuer 10 000 serviettes hygiéniques à près de 700 élèves. © UNFPA/Munira Twahir

Nouvelles générations, nouvelles technologies

Actuellement, les investissements en faveur des femmes et des filles restent extrêmement insuffisants : en 2022, moins de 1 % de l’aide humanitaire à l’étranger allait à la lutte contre la violence basée sur le genre, un fléau dont les conséquences sur la santé et les droits s’étalent pourtant sur plusieurs générations. L’initiative YouthCare de Mayca Balaguer en Argentine s’attaque à ce manque de moyens en renforçant la capacité des prestataires de santé sexuelle et reproductive à repérer et prendre en charge la violence basée sur le genre. Elle propose l’expertise d’organisations juridiques et de santé aux prestataires qui peuvent par exemple avoir du mal à gérer les cas de grossesses provoquées par des violences sexuelles.

Munira Twahir répond elle aussi à un besoin souvent ignoré des femmes et des filles : les produits d’hygiène menstruelle. Elle a créé au Kenya Ari The Pad ATM, qui a permis d’installer plus de 20 distributeurs de protections dans les écoles des comtés de Nairobi et de Kiambu : près de 700 élèves ont ainsi pu bénéficier de près de 10 000 serviettes hygiéniques. Angela*, 15 ans, explique que ces distributeurs discrets sont un vrai soulagement. « J’aime bien utiliser le Pad ATM car cela m’évite de demander une serviette à mes professeur·e·s lorsque j’en ai besoin, je peux simplement aller au distributeur et en prendre une. »
 
Le conseil de Mme Twahir aux autres innovateurs et innovatrices : « collaborez avec les personnes pour lesquelles vous concevez une solution. »

Une communauté pour les mères

Les interventions et investissements de santé maternelle ne profitent pas aux personnes qui en ont le plus besoin. Ainsi, alors que les hémorragies postpartum sont pourtant la principale cause de mortalité maternelle dans les pays à faible revenu, seuls deux médicaments permettant de les traiter ont été développés ces 30 dernières années.
 
De la même manière, dans les contextes de conflit, « les jeunes femmes et les mères font partie des groupes les plus vulnérables », souligne Viktoriia Prushkivska, en Ukraine, où les femmes souffrent de la gestion des soins postpartum et infantiles en plein milieu des violences. Pour lutter contre ces difficultés, Mme Prushkivska a créé Mom's Monday, des sessions gratuites de soutien et de formation au cours desquelles les jeunes mères peuvent bénéficier d’une aide en matière de santé mentale, physique, sexuelle et reproductive, et qui proposent un service de garde d’enfants. Plus de 1 100 mères ont pu y avoir recours en 2023, comme Ene*, qui indique : « ici, nous pouvons obtenir des informations que nous devrions autrement aller chercher par nous-mêmes. »
 
En République unie de Tanzanie, où plus d’un quart des filles deviennent mères à l’adolescence, « beaucoup sont victimes de discrimination et d’exclusion, ce qui les empêche souvent d’accéder à l’aide et aux services dont elles ont besoin », explique à l’UNFPA Juliana Magesa, jeune mère elle-même. Elle a fondé Young Mums Unite, un groupe d’entraide au sein duquel les mères de 15 à 24 ans peuvent trouver des informations et des services essentiels de planification familiale, de santé maternelle et d’aide psychologique. Annie*, jeune mère elle aussi, raconte : « elles m’ont offert une communauté de soutien et fourni des informations sur ma santé et mes droits. J’ai davantage confiance en moi et je me sens plus autonome ».

Young Mums Unite a déjà aidé plus de 190 jeunes mères l’an dernier et espère en toucher 800 d’ici la fin 2024.

Investir en faveur des femmes, accélérer le rythme

En 2020, l’UNFPA estimait qu’il faudrait investir 222 milliards de dollars dans la santé et les droits des femmes et des filles d’ici 2030 afin d’éliminer les décès maternels évitables et les besoins non satisfaits en planification familiale, et protéger des millions d’entre elles de la violence basée sur le genre et des pratiques néfastes. À leur niveau actuel, les financements sont loin de nous permettre d’atteindre ce chiffre.

Cette année, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, les populations du monde entier appellent les leaders à « investir en faveur des femmes, accélérer le rythme ». Cela s’applique également au domaine de la santé sexuelle et reproductive.

Comme l’a déclaré la Dr Natalia Kanem, directrice exécutive de l’UNFPA, « Nous devons aux femmes et aux filles des investissements réels, tels que l’aide à l’accès à l’enseignement secondaire, la promotion de leur leadership dans le secteur des nouvelles technologies, l’accompagnement dans leurs propres initiatives contre la violence, et la création de davantage de plateformes pour faire entendre leurs voix et les aider à sauver des vies. »

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