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Au Yémen, des inondations bouleversent l’existence de dizaines de milliers de personnes fuyant déjà un conflit meurtrier
- 06 Septembre 2022
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SANA’A, Yémen – « Le ciel était nuageux, et d’un coup, une pluie torrentielle a emporté nos abris. Tout ce que nous possédions, documents personnels, couvertures, nourriture… tout a été détruit. »
Qubool, 42 ans, subvient seule aux besoins de ses six enfants. Lorsque des combats ont éclaté près de son village début janvier, elle a fui avec sa famille pour tenter de se mettre en sécurité.
Elle vit depuis avec ses enfants dans le camp pour personnes déplacées de Baga, dans le gouvernorat d’Al Dhale, situé dans le sud-ouest du Yémen. En repensant à son arrivée traumatisante, Qubool raconte : « nous avons tout laissé derrière nous. Je n’avais rien sur moi qui pouvait me permettre de combler nos besoins les plus essentiels, ni nourriture ni médicaments. »
Alors que cette famille avait déjà été déracinée et privée de ses possessions personnelles, sa situation précaire a encore souffert d’une catastrophe supplémentaire. Elle fait en effet partie des dizaines de milliers de personnes qui, déjà déplacées par le conflit terrible qui ravage le Yémen, ont désormais perdu leur abri et le peu qui leur restait dans les violentes averses qui se sont abattues sur de larges portions du pays.
Depuis le mois d’avril, des crues éclair ont détruit des infrastructures essentielles : routes, sources d’eau et centres de santé. Sur les 300 000 personnes que l’on estime être affectées par cette situation d’urgence, plus de la moitié sont des femmes et des filles – parmi elles, nombreuses sont celles qui ont déjà été déplacées plusieurs fois et sont dans un état physique et psychologique de grande vulnérabilité.
Surmonter les crises
Pour aider les populations déplacées par les inondations, l’UNFPA dirige un Mécanisme de réaction rapide multi-agences avec l’UNICEF et le PAM. Les équipes distribuent des kits contenant des vêtements pour femmes et des produits essentiels d’hygiène comme du savon et des serviettes périodiques, ainsi que des bidons et des repas tout prêts. Chaque kit est conçu pour subvenir aux besoins de base d’une famille pendant cinq à sept jours, et alléger un peu ses souffrances.
Eman, 28 ans, est originaire du gouvernorat d’Al Hudaydah et a reçu un kit après que les pluies ont fait s’effondrer le toit de la maison en ruines que sa famille et elle utilisaient comme abri, pour se protéger des violences.
Elle décrit leur vie avant le conflit comme simple mais heureuse : elle était passionnée par son travail de couturière pour femmes, et son mari Mohammed tenait un petit commerce de légumes qui marchait bien. Comme les combats se rapprochaient de leur village, toute la famille a été contrainte de fuir et de se réfugier dans le gouvernorat d’Amran, qui est plus au nord.
Eman explique : « je n’avais pas d’autre choix que de vendre ma précieuse machine à coudre pour nous payer le trajet. Ç’a été un moment très difficile. J’ai perdu ma seule source de revenus. »
Le changement de lieu (et de vie) a été un choc. Soudain sans emploi, isolés et inquiets pour la santé de leurs enfants, sans même un toit correct sur la tête, les jeunes parents se sont retrouvés face à un choix impossible.
« J’ai dû choisir entre nourrir ma famille ou dépenser cet argent pour empêcher les pluies d’inonder notre maison », raconte Mohammed.
Eman souligne que les équipes de réaction rapide ont beaucoup aidé sa famille dans cette période douloureuse. « Ce kit est vraiment tombé à pic, et nous a aidés à nous nourrir et à nous habiller, puisque nous avions perdu tout ce que nous possédions. Nous espérons être bientôt indépendants à nouveau », dit-elle à l’UNFPA.
Femmes et filles subissent les plus graves répercussions
Après presque huit ans de conflit et l’augmentation des catastrophes climatiques, le Yémen compte désormais 23 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire immédiate. Des millions d’individus n’ont plus de foyer, l’économie s’est écroulée et le système de santé ne fonctionne qu’à grand peine.
Sur les 4,3 millions de personnes déplacées au Yémen, plus des trois quarts sont des femmes et des enfants. Près d’1,3 million de femmes sont actuellement enceintes, et environ 200 000 d’entre elles présentent un risque de développer des complications potentiellement mortelles, et n’ont pourtant qu’un accès précaire (voire inexistant) aux services de santé reproductive.
Le Mécanisme de réaction rapide mené par l’UNFPA est activé dans 16 des gouvernorats affectés par les crues, et dans plus de 100 districts de tout le Yémen. Depuis la mi-juillet, plus de 50 000 personnes ont bénéficié de distributions grâce aux contributions financières du Fonds humanitaire pour le Yémen, de l’Union Européenne et de USAID, et des milliers ont pu être redirigées vers des services de santé et de protection.
Cependant, le grave manque de financement actuel a eu pour conséquence la réduction des programmes, même les plus essentiels, ce qui met particulièrement en danger la vie des femmes enceintes, des nouveau-nés et des survivantes de violence basée sur le genre. En effet, les services ont diminué, et le personnel soignant n’est pas en mesure de se rendre auprès des personnes en situation d’urgence. En date de septembre 2022, l’UNFPA n’a reçu qu’un tiers des 100 millions de dollars nécessaires pour assurer la santé reproductive et la protection de millions de femmes et de filles au Yémen.