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Au Bangladesh, les sages-femmes offrent de l’espoir aux survivantes du cyclone Mocha, dans le plus grand camp de réfugié·e·s du monde
- 15 Juin 2023
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COX’S BAZAR, Bangladesh – Khadija*, 21 ans, vit dans un camp pour personnes Rohingya déplacées, à Cox’s Bazar, au Bangladesh. Elle-même sage-femme qualifiée, elle ne connaissait que trop bien les dangers qui pouvaient l’attendre lorsque ses contractions ont commencé chez elle le 14 mai. C’est aussi le moment où le cyclone Mocha a commencer à ravager la côte, près du camp.
Cette puissante tempête a apporté vents violents et pluies torrentielles, qui ont provoqué de vastes crues et de nombreux glissements de terrain dans tout le district. Près de 2,3 millions de personnes ont été touchées, dont plus de 960 000 réfugié·e·s Rohingya à Cox’s Bazar – des personnes déjà pauvres, marginalisées et très vulnérables. Les centres de santé, les espaces sûrs pour femmes et filles ainsi que des milliers de foyers ont été endommagés voire complètement détruits, et ce alors que la saison de la mousson, qui approche, annonce encore beaucoup de pluie.
Khadija avait besoin d’une aide d’urgence, mais il était impossible à une personne qualifiée en obstétrique de l’atteindre à cause des crues ; les centres de santé les plus proches avaient été contraints à fermer. Sa famille est finalement parvenue à appeler une ambulance, financée par l’UNFPA et opérée par RTMi, un partenaire local : Khadija a pu être rapidement amenée à l’hôpital de terrain HOPE, soutenu par l’UNFPA, qui est par ailleurs son le lieu de travail.
Nasrin Khatun, 27 ans, était l’une des sages-femmes de service ce jour-là. Elle explique que la tension artérielle de Khadija était trop élevée, un symptôme très dangereux pendant un accouchement, et que des complications s’étaient développées au cours de la tentative d’accouchement à domicile.
L’équipe médicale a travaillé très vite pour résoudre la situation et a pu aider Khadija à mettre au monde en toute sécurité un petit garçon en bonne santé. Leur soulagement n’a cependant été que de courte durée, car la jeune mère a commencé à saigner abondamment : il s’agissait d’une hémorragie post-partum, qui aurait pu s’avérer très grave voire fatale sans l’assistance de sages-femmes qualifiées.
« Elle m’a pris la main et m’a remerciée du fond du cœur », raconte Mme Khatun. « C’est ce genre de moment qui me pousse à faire mon métier. »
Les dangers de la grossesse
Avec près d’un million de personnes déplacées, Cox’s Bazar abrite le plus grand camp de réfugié·e·s du monde, dans un pays fréquemment frappé par des catastrophes climatiques. Les personnes réfugiées et les communautés d’accueil de Cox’s Bazar sont assaillies de crues, de cyclones et de glissements de terrain de plus en plus fréquents, et beaucoup y laissent leur vie, leurs proches ou leur foyer, comme lors du passage du cyclone Mocha.
Aujourd’hui de retour chez elle en sécurité, avec son nouveau-né, Khadija continue à recevoir des soins postnatals et un suivi de la part de l’hôpital ; son fils bénéficie aussi de vaccins. Malgré la forte réduction du taux de mortalité maternelle du Bangladesh ces vingt dernières années, le manque de personnel qualifié et de sages-femmes dans les situations de crise rend les grossesses et les accouchements potentiellement mortels, alors même que l’accès aux centres de santé, à un abri, à la nourriture et à l’eau est gravement compromis.
Mme Khatun déclare à l’UNFPA : « Ma sœur aînée a connu deux fausses couches avant son troisième enfant, [car] il n’y avait pas de sage-femme experte dans l’établissement de santé qu’elle fréquentait. Je ne veux voir aucune mère subir ça alors que c’est un moment précieux, et c’est pour cela que j’ai voulu devenir sage-femme. »
L’hôpital HOPE a été installé dans le camp en 2018 pour répondre aux besoins en santé sexuelle et reproductive des femmes et filles Rohingya qui avaient fui la violence et les persécutions au Myanmar. Depuis que ce centre est opérationnel, l’UNFPA estime qu’il a permis d’aider plus de 58 000 femmes et filles.
En 2022, près de 300 sages-femmes ont été déployé·e·s dans les camps de réfugié·e·s Rohingya du Bangladesh ; rien qu’à Cox’s Bazar, plus de 240 000 femmes provenant à la fois des communautés hôtes et réfugiées ont pu avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive grâce à des établissements financés par l’UNFPA.
Soutenir les femmes et les filles de façon systématique au Bangladesh
Les besoins des femmes et filles déplacées, ainsi que des personnes laissées de côté dans les contextes de crise, vont toutefois au-delà des soins de santé maternelle d’urgence. Elles sont de plus en plus exposées à la violence basée sur le genre, à la traite d’êtres humains et aux abus sexuels, notamment en raison de l’effondrement de l’aide sociale et des systèmes de protection.
C’est tout à fait le cas dans le camp où vit Khadija, composé de refuges fragiles et surpeuplés, qui n’offrent que très peu d’intimité et de sécurité. Cette dernière catastrophe en date a encore davantage exposé près de 15 000 femmes et filles à la violence, à l’exploitation et aux abus sexuels. En effet, lorsque les individus perdent leur foyer et leurs relations sociales, les facteurs de stress se multiplient et femmes et enfants voient leurs possibilités de déplacement restreintes, ce qui les empêche de franchir les distances, pourtant parfois courtes, qui les séparent des services de prise en charge et de prévention.
À Cox’s Bazar, l’UNFPA dirige un réseau de 54 espaces dédiés aux femmes qui proposent des services de prise en charge et de réponse à la violence basée sur le genre, et qui peuvent orienter les survivantes de façon adaptée. Quatre d’entre eux ont même pu proposer des refuges d’urgence pendant le cyclone.
En collaboration avec les gouvernements australien et bangladais, l’UNFPA s’efforce de faire en sorte que toutes les femmes et les filles, y compris celles qui vivent dans les zones les plus reculées du pays, puissent avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive, en particulier au vu des conséquences terribles que le changement climatique a sur leur existence.
*Le prénom a été changé pour préserver l’anonymat