Actualités

Fuite à l’aube : échapper au mariage d'enfants et aux MGF au Kenya

Faith (au milieu), avec ses amies Sylvia (à droite) et Vivian. Elles se sont toutes enfuies pour échapper aux mutilations génitales féminines et au mariage. © UNFPA Kenya/Douglas Waudo
  • 06 Septembre 2017

NAIKARRA, Kenya – « Un matin, au réveil, mon père m’a dit que nous étions pauvres et que nous avions besoin d’argent », raconte Faith. Elle décrit le moment où elle a appris qu’elle était fiancée. Elle n’avait que 11 ans. 

Son père lui a expliqué qu’un homme plus âgé de leur village (situé dans le comté de Narok, au Kenya) voulait l’épouser en échange d’une dot, qui permettrait de soulager la famille d’une partie de ses problèmes financiers. 

Les mauvaises nouvelles ne s’arrêtaient pas là : avant de pouvoir se marier, il fallait qu’elle subisse des mutilations génitales féminines (MGF).

Des filles à l’école primaire de Naikarra, dans le comté de Narok. Récemment, l’école a dû faire face à une vague de jeunes filles venant s’y réfugier pour ne pas subir de MGF ou être mariées de force. © UNFPA Kenya/Douglas Waudo  

C’est à ce moment que Faith a compris qu’elle allait s’enfuir de chez elle. 

« Comment pourrais-je être la femme d’un homme de l’âge de mon père ? », demande-t-elle.

S’enfuir à l’aube

Faith a désormais 13 ans. Elle a grandi dans une communauté ou les MGF et le mariage des enfants étaient monnaie courante. 

On estime qu’au Kenya, 11 pour cent des filles ont été excisées (selon une étude de 2014) et qu’environ 23 pour cent des femmes de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Un quart des kenyanes ont eu un enfant avant 18 ans.

Même si Faith n’est jamais allée à l’école, elle a appris que ces pratiques étaient dangereuses en participant à des discussions organisées par World Vision Kenya, partenaire de l’UNFPA.

Les MGF peuvent entraîner hémorragies, douleurs chroniques, infections, et même parfois provoquer la mort. Le mariage d'enfants expose les filles à des violences physiques et sexuelles, et beaucoup d’enfants mariées tombent enceinte en étant encore adolescentes, ce qui met leur santé en danger. À l’échelle mondiale, les complications liées à la grossesse sont la première cause de mortalité chez les jeunes filles. 

Les MGF et le mariage d'enfants sont considérés comme des violations des droits de la personne. 

Deux jours après avoir appris qu’elle était fiancée, Faith s’est enfuie à l’aube, pendant que sa famille dormait. 

Elle a marché 20 kilomètres, pour rejoindre le seul endroit où elle savait pouvoir trouver de l’aide : l’école primaire de Naikarra. Cette école de la région possède un internat, et elle est connue au sein de la communauté comme un endroit où les jeunes filles peuvent se réfugier.

Elle est arrivée fatiguée et affamée, ses habits en lambeaux. « Elle avait l’air sous-alimentée et semblait terrifiée. Elle avait les pieds gonflés d’avoir tant marché », raconte Edith Komoni Kipteng, une enseignante de l’école.

Ce n’était pas la première fois que Mme Kipteng voyait cela. « Au fil des années, nous avons vu ce scénario se reproduire un nombre incalculable de fois », explique-t-elle. « Les filles s’enfuient de chez elles pour échapper aux MGF et au mariage, et trouvent refuge à l’école. »

Un groupe d’anciens de la communauté dans le comté de Narok, qui sont à l’avant-garde du mouvement pour l’abandon des MGF et du mariage des enfants. L’engagement d’hommes et de garçons dans le mouvement est essentiel pour éradiquer ces pratiques dangereuses. © UNFPA Kenya/Douglas Waudo 

La situation de Faith l’a pourtant marquée. « J’ai vu cette fille de 11 ans qui n’avait jamais mis les pieds dans une salle de classe, mais qui voulait absolument faire quelque chose de sa vie. » 

« Audacieuse et courageuse »

Faith est maintenant à l’école depuis deux ans. Ses meilleures amies, Sylvia et Vivian, se sont aussi enfuies de chez elles pour échapper aux MGF et au mariage forcé. 

Sur les 500 élèves de l’école, 100 jeunes filles sont venues se réfugier à l’internat de l’école pour ne pas subir les MGF. Les dortoirs, financés en partie par World Vision Kenya, sont ouverts pendant les vacances scolaires pour que les jeunes filles exposées aux MGF ou au mariage puissent éviter de rentrer chez elles. 

« C’est une initiative très courageuse et très audacieuse pour ces filles de décider de quitter leur famille » , dit Mme Kipteng. « Pour la plupart d’entre elles, cela signifie être complètement coupée de leurs proches et du seul foyer qu’elles aient jamais connu. » 

Pour Faith, il reste difficile d’être séparée de sa famille.

« C’est dur pour moi, surtout que je n’ai pas vu mes parents et mes frères et sœurs depuis deux ans. Mais vous pouvez me croire, il vaut mieux ça que d’être mariée à un homme de l’âge de mon père », déclare-t-elle. «  Si je retourne un jour chez moi, je suis certaine que je serai forcée de subir des MGF, et qu’on me mariera ensuite. »

D’autres filles n’ont pas eu la chance de Faith. L’école utilise actuellement le maximum de ses ressources.

« Cette semaine, nous avons dû refuser plusieurs jeunes filles qui s’étaient enfuies de chez elles », explique Mme Kipteng. « C’est la chose la plus difficile que j’aie jamais eue à faire, mais comment faire autrement ? La réalité, c’est que cette école ne peut pas tout faire. »

En faire plus

Un programme commun de l’UNFPA et de l’UNICEF sur les MGF travaille avec le gouvernement pour protéger les droits des jeunes filles. Cela implique notamment d’aider au développement de politiques et de lois pour que les MGF soient endiguées. L’UNFPA travaille aussi avec des partenaires, comme World Vision Kenya et la Fédération des Avocates du Kenya (FIDA Kenya), pour l’abandon des MGF et du mariage d’enfants.

Dans des régions comme le comté de Narok, l’UNFPA propose des programmes de parrainage et de formation aux compétences essentielles, aux filles comme aux garçons. Cela consiste notamment à faire passer des messages sur les dangers des MGF et du mariage d’enfants. L’UNFPA et ses partenaires travaillent également au sein des communautés pour provoquer des dialogues sur ces questions, chez les personnes plus âgées, les chefs de communauté, les parents et les jeunes. Ces efforts ont amené les chefs de communauté à demander l’abandon de ces pratiques dangereuses.  

L’UNFPA apporte aussi son soutien aux jeunes filles mariées, notamment en leur donnant accès à la planification familiale et aux soins maternels.

– Douglas Waudo (traduit de l'anglais par Marie Marchandeau)

Nous utilisons des cookies et d'autres identifiants pour améliorer votre expérience en ligne. En utilisant notre site web vous acceptez cette pratique, consultez notre politique en matière de cookies.

X