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Dans une région rurale de Tanzanie, la cartographie aide à protéger les jeunes filles contre les MGF

La fin des mutilations génitales féminines repose sur diverses approches: offrir un refuge aux jeunes filles exposées à un risque aigu, inciter les familles et les communautés à sensibiliser le public aux dommages qui en résultent, et transformer les normes sociales qui régissent cette pratique. Ici, de jeunes filles de la région tanzanienne de Mara participent à un camp alternatif au centre Masanga, financé par l’UNFPA
  • 22 Octobre 2018

NATIONS UNIES, New York – « Sans refuge, les filles seront mutilées », a déclaré Rhobi Samwelly, militant des droits de l'Homme, gérant de deux espaces sécurisés pour filles dans les districts de Butiama et Serengeti, dans la région rurale de Mara, en Tanzanie.

«Durant la saison des mutilations, vous ne pouvez pas trouver refuge dans la communauté», a-t-elle expliqué.

Dans les régions de Tanzanie où les mutilations génitales féminines (MGF) sont pratiquées, la « saison des mutilations » coïncide généralement avec les vacances scolaires de décembre. Pour celles qui y sont soumises, les mutilations génitales féminines - qui consistent à blesser ou à modifier les organes génitaux féminins pour des raisons non médicales - peuvent avoir diverses conséquences néfastes sur la santé, allant des douleurs, infections et hémorragies, à la mort.

A l’âge de 13 ans, Mme Samwelly a imploré ses parents de ne pas la faire exciser. Ils n’ont fait aucun cas de sa demande, et elle n'avait pas d’endroit sûr où fuir. Elle a été victime d’une hémorragie, et a failli mourir de ses blessures.

Suite à cela, elle a fait promettre à ses parents de ne pas mutiler ses plus jeunes sœurs. Pour Mme Samwelly, c’était le début d’une vie d’activisme visant à mettre fin aux mutilations génitales féminines.

Grâce aux programmes scolaires et à la sensibilisation de la communauté, elle a informé d'autres jeunes filles qu’elles peuvaient trouver refuge dans les foyers sécurisés de Hope for Girls and Women (De l’espoir pour les filles et les femmes). Mais lorsqu'une jeune fille en danger ou un membre de sa communauté appelle pour demander de l'aide, la trouver relève du défi. En effet, de vastes étendues de terres dans les zones rurales de la Tanzanie, y compris des villages pouvant atteindre 10 000 habitants, ne sont pas cartographiés. 

Sur terre et dans les nuages

Des volontaires en Tanzanie et dans le monde entier travaillent pour changer les choses.

« Nous construisons un réseau mondial réunissant des personnes du monde entier », a déclaré Janet Chapman, fondatrice de Crowd2Map Tanzania, lors d'un mapathon organisé par l'UNFPA le 28 septembre.

Depuis 2015, Crowd2Map Tanzania coordonne les efforts de ce réseau de volontaires pour remplir les espaces vides sur les cartes des zones rurales de Tanzanie, en utilisant OpenStreetMap. Cette application de cartographie à code source ouvert permet aux militants basés sur le terrain de mieux protéger les jeunes filles.

Les cartographes volontaires de l’UNFPA parcourent les images satellite de la Tanzanie rurale, en traçant les repères tels que les routes, les étendues d'eau et les bâtiments. Toutes ces données sont sauvegardées dans OpenStreetMap, une plate-forme grâce à laquelle 150 000 volontaires ont utilisé des données géospatiales pour parachever les zones non cartographiées du monde entier à des fins humanitaires, telles que l’identification d’enfants malnutris, ou le secours apporté aux communautés touchées par des fléaux. © UNFPA/Tara Milutis

Le processus démarre lorsque les activistes locaux identifient les zones à cartographier. Ensuite, il appartient aux volontaires du monde entier de les renseigner via la plate-forme en ligne de l’équipe Humanitarian OpenStreetMap. Enfin, les volontaires locaux ajoutent des détails tels que les noms de quartiers, d’écoles, de cliniques ou de rues.

Ciblage des actions via des données plus granulaires

Au cours du mapathon, plus de 6 000 volontaires dans plus de 60 pays ont cartographié plus de 49 000 bâtiments et près de 7 000 kilomètres de routes - générant des données qui aideront une gamme de programmes et services de sensibilisation aux MGF à atteindre les jeunes filles, les familles et les communautés qui en ont le plus besoin.

Alors que de plus en plus de communautés abandonnent les mutilations génitales féminines, la programmation doit cibler les zones sensibles pour les éliminer totalement, a déclaré Nafissatou Diop, conseillère principale et coordonnatrice du Programme conjoint UNFPA-UNICEF. Etant donné que les enquêtes effectuées auprès des ménages offrent au mieux des données au niveau régional, les données générées par le projet de cartographie au niveau du district sont indispensables pour identifier les communautés où les MGF sont encore pratiquées.

La région de Mara, où la prévalence des mutilations génitales féminines est de 32% (contre 10% pour l'ensemble de la Tanzanie), abrite certaines de ces zones sensibles. L'UNFPA collabore avec Hope for Girls and Women et avec d’autres partenaires locaux pour sensibiliser le public, organiser des dialogues au sein de la communauté, fournir un soutien psychosocial, et des rites de passage alternatifs pour les jeunes filles.

Rendre les familles et les communautés sûres pour les jeunes filles

Jusqu'à présent, l'initiative de cartographie a permis de sécuriser plus de 3 000 jeunes filles. Si les maisons d'hébergement sont une solution temporaire pour celles qui courent un grand danger, Mme Samwelly s'emploie également à poser les bases d'un changement durable.

Rhobi Samwelly, militante des droits de l’Homme et survivante des mutilations génitales féminines, a consacré sa vie à y mettre fin et à protéger les jeunes filles. © UNFPA

La plupart des concernées rentrent chez elles après six ou sept semaines, une fois la saison des mutilations terminée. Pour que ce retour soit possible - et sans danger - Hope for Girls and Women collabore avec les familles et les communautés aux côtés du personnel social communautaire et de policiers spécialement formés, pour faire changer les mentalités – ce qui est un pas en avant dans la transformation des normes sociales qui sous-tendent les MGF.

« Nous parlons aux parents », a déclaré Mme Samwelly. « Nous leur montrons que les mutilations génitales féminines ont des conséquences et sont illégales dans notre pays. »

Les jeunes filles peuvent rentrer chez elles une fois que leurs parents se sont engagés à respecter leur souhait de ne pas être mutilées, et à les aider à rester scolarisées. Le programme contrôle ces jeunes filles tous les trois mois.

Celles dont les familles refusent de se réconcilier restent dans des maisons d'hébergement, où elles reçoivent des conseils et poursuivent leurs études. Mais Mme Samwelly continue à essayer d’arranger les choses avec leurs familles.

« Nous ne nous arrêtons pas », a-t-elle dit. « Nous continuons à rendre visite à ces familles et à leur parler afin qu’il puisse y avoir réconciliation. »

                                                                                                                          – Anna Grojec

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