Actualités

« Les expertes du handicap, c’est nous » : la militante Angeline Chand appelle à l’inclusivité dans la préparation et la réaction aux catastrophes aux Fidji

Angeline Chand milite pour les droits des personnes en situation de handicap, aux Fidji et dans tout le Pacifique. ©UNFPA/Patrick Rose
  • 01 Décembre 2023

SUVA, Fidji – Pour les millions de personnes réparties dans plus d’une douzaine de pays et territoires qui forment les Îles du Pacifique, les risques naturels et les catastrophes climatiques ne sont malheureusement pas une nouveauté.

La plus grand partie de l’archipel étant située au sein de la « ceinture de feu » volcanique, les risques d’éruptions sont élevés, et les cyclones, les séismes, les tsunamis et la sécheresse sont également monnaie courante.

La population de cette région a dû apprendre à se préparer au pire. Pour les femmes en situation de handicap, cependant, cela suppose de mettre en place des mesures supplémentaires, car les sociétés négligent souvent leurs besoins spécifiques en cas de crise.

« Les femmes et les filles atteintes de handicap sont plus vulnérables en cas de catastrophe », explique Angeline Chand, militante pour les droits des personnes handicapées, à l’UNFPA (l’agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive).

Handicap et déplacement

Aux Fidji, des centaines d’écoles, d’églises et d’autres bâtiments deviennent des centres d’évacuation en cas d’urgence, permettant aux communautés de se mettre en lieu sûr.

Le sentiment de sécurité est pourtant quelque chose de très subjectif. Selon Mme Chand, ces centres ne proposent pas toujours les éléments nécessaires pour que les femmes et les filles en situation de handicap se sentent elles aussi en sécurité.

« On nous demande souvent pourquoi les personnes handicapées refusent d’évacuer. Cela présente de nombreux problèmes », souligne-t-elle. « Elles sont habituées à leur environnement et à leurs systèmes de soutien familiaux. Elles ont tendance à beaucoup réfléchir avant de changer d’environnement. »

Cette hésitation peut s’expliquer par des questions comme : la personne qui m’aide sera-t-elle à mes côtés ? Les sanitaires sont-ils accessibles pour moi ? Mme Chand, qui est aveugle, s’est déjà posé des questions similaires.

« Si je devais évacuer ma maison, quelles seraient mes possibilités de déplacement dans mon environnement ? Quels sont les systèmes de soutien en place ? Cela m’effraie », déclare-t-elle.

Mme Chang est conseillère pour les droits humains et les questions de genre auprès du Pacific Disability Forum, qui soutient (entre autres activités) l’audit de bâtiments locaux afin de donner à leurs propriétaires des pistes d’adaptation pour assurer leur accessibilité.

« Ces personnes croient souvent qu’on leur demande de tout changer du jour au lendemain, mais ce n’est pas le cas », précise-t-elle. « Nous le faisons ensemble. Les expertes du handicap, c’est nous ; nous en faisons l’expérience au quotidien. »

Adapter les kits dignité

Dans le monde entier, les systèmes de santé et de protection ont souvent du mal à répondre aux besoins des personnes handicapées, en particulier lorsqu’une crise survient. C’est pour cela que l’UNFPA a récemment développé une liste de contrôle visant à assurer la bonne prise en compte des jeunes en situation de handicap dans l’action humanitaire.

Toutefois, aux Fidji comme ailleurs, les femmes et les filles présentant un handicap signalent des difficultés à accéder aux soins de santé sexuelle et reproductive, car elles sont confrontées à des problèmes de communication, mais aussi de stigmatisation et de discrimination de la part des prestataires de santé ; elles rencontrent également des barrières physiques et géographiques dans leur accès aux cliniques. La violence basée sur le genre est aussi une préoccupation urgente.

L’UNFPA s’efforce de pallier ces manques pendant les crises par la distribution de kits dignité, contenant des produits essentiels d’hygiène pour les femmes et les filles – notamment des serviettes réutilisables, et des vêtements et sous-vêtements adaptés aux préférences culturelles. Ces kits contiennent également des lampes-torches et des sifflets pour qu’elles se sentent plus en sécurité et puissent se déplacer plus facilement.

Jusqu’en 2019 cependant, ces kits n’avaient jamais été adaptés aux besoins des femmes et filles handicapées. Dans le cadre de consultations organisées par l’UNFPA, l’International Planned Parenthood Federation et le Pacific Disability Forum, grâce à un financement de l’Australie, ces kits ont été examinés et des recommandations ont été élaborées par des femmes en situation de handicap, pour s’assurer qu’ils soient réellement utiles.

« Personne n’avait jamais pensé aux suggestions que nous avons faites », se souvient Mme Chand, en particulier au sujet d’une de ses collègues, qui avait des problèmes de motricité au niveau des mains et avait fait remarquer qu’il lui était impossible d’allumer la lampe-torche.

Aujourd’hui, les kits adaptés contiennent des articles tels que des draps imperméables, des sous-vêtements en plastique, des trousses de secours, des bouillottes, des gants en plastique, des serviettes pour incontinence et des lampes-torches dotées de gros boutons. Ils ont été inclus sur les recommandations des femmes en situation de handicap.

« Nous avons de très bons retours des utilisatrices, qui disent que [les kits sont] très adaptés à leurs besoins et répondent à leurs critères », déclare Mme Chand.
 

Nous utilisons des cookies et d'autres identifiants pour améliorer votre expérience en ligne. En utilisant notre site web vous acceptez cette pratique, consultez notre politique en matière de cookies.

X