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Faciliter l’accès aux services de santé reproductive aux Philippines
- 23 Octobre 2023
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GUINDULUNGAN, Les Philippines – Pour bon nombre de membres de la tribu autochtone Teduray, établie dans le sud des Philippines, se rendre chez le médecin relève du périple
Depuis le village vallonné d’Ahan, il faut compter entre quatre et sept heures pour rejoindre le centre médical le plus proche, à Guindulungan. Parcourir le chemin à pied est le plus long, mais le trajet à moto coûte 2,50 $, une dépense que beaucoup ne peuvent se permettre.
Le centre médical se situe dans la région autonome bangsamoro en Mindanao musulman (BARMM), la plus pauvre des Philippines. Le besoin en matière de services de santé sexuelle et reproductive y est grand pour les femmes et les filles. Une femme mariée sur cinq ne reçoit pas l’aide de planification familiale dont elle a besoin, et seuls deux accouchements sur cinq ont lieu dans un centre médical.
Alors que le coût et la distance entravent l’accès aux soins, des femmes de la communauté, devenues agentes de santé, se sont portées volontaires pour jouer les intermédiaires.
Âgée de 40 ans, Merlyn Tresero fait le lien entre ses voisin·e·s Teduray à Ahan et les informations, les services et les opportunités de développement et d’autonomisation dont sa communauté a besoin.
« Nous sommes en mesure d’aider de nombreuses personnes », déclare-t-elle, « et les membres de nos communautés nous le rendent bien. »
Des espaces dédiés aux femmes
Mme Tresero fait partie des 75 personnes ayant été formées pour diriger des activités communautaires au sein de cinq espaces dédiés aux femmes, construits dans le sud des Philippines, permettant ainsi à sa communauté d’avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive.
Auparavant, ces espaces dédiés aux femmes consistaient en des campements de tentes établis à la suite de crises humanitaires, avec le soutien de l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. La région dans laquelle vit Mme Tresoro est sujette tant aux conflits qu’aux catastrophes naturelles, les deux provoquant de forts déplacements de populations.
Les espaces dédiés aux femmes sont aujourd’hui construits pour durer. « C’est la première fois qu’ils sont faits de béton », explique Bai Masla Beng Campiao, coordinatrice de l’association Mindanao Organization for Social and Economic Progress, l’un des partenaires de mise en œuvre de l’UNFPA.
Les espaces dédiés aux femmes offrent aux femmes et aux jeunes, plus particulièrement aux personnes déplacées, un lieu pour se retrouver et échanger autour des difficultés qu’elles rencontrent, mais aussi pour s’informer de leurs droits. Ces espaces pourraient également servir un jour de cuisines communautaires ou de foyers de transition destinés aux femmes enceintes devant parcourir de longues distances pour bénéficier de soins médicaux.
Pour Mme Tresero, l’espace dédié aux femmes le plus proche est à Guindulungan, tout près du centre de santé rural. Elle s’y rend tous les mois pour y proposer des séances d’accompagnement et de mentorat.
Son expérience lui a donné confiance en elle et lui a offert une nouvelle communauté, explique-t-elle.
Concernant le développement des agentes, Mme Campiao déclare : « Nous savons que [la province] est en proie à toutes sortes de catastrophes, de désastres et de conflits causés par la main de l’homme. Grâce à ce projet, les agentes apprennent à devenir résilientes et à ne plus totalement dépendre de leurs maris. »
Une célébrité locale
La formation que Mme Tresero a reçue grâce au projet de l’UNFPA lui a donné les moyens de faire le lien entre sa communauté et les services de santé sexuelle et reproductive.
« On nous a enseigné comment encourager les femmes enceintes de nos communautés à consulter des médecins », explique-t-elle. « On a également appris à gérer les affaires de violences basées sur le genre et à sensibiliser à ce problème. »
Une jeune fille de 17 ans s’est par exemple adressée à Mme Tresero pour dénoncer les agressions qu’elle subissait de la part de son mari, âgé de 19 ans. Mme Tresero a reçu le couple chez elle pour discuter des répercussions engendrées par les violences faites aux femmes et aux enfants, et expliquer pourquoi elles ne doivent pas être tolérées.
Très active dans son village, Mme Tresero, enceinte de huit mois au moment de cet entretien, est devenue populaire.
« Lorsque je me promène au sein de ma communauté, les gens me saluent et me demandent de leur rendre visite pour les informer des événements importants du centre médical », raconte-t-elle. « On me demande mes dates de consultation au centre de santé rural, ou bien les femmes me prient de leur rappeler leur calendrier médical de suivi de grossesse. »
« Je me sens parfois comme une célébrité, car tout le monde veut me parler », plaisante-t-elle.