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Après 13 ans de crise, les professionnelles de santé syriennes sont en première ligne pour prendre en charge les femmes et les filles

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Trois obstétriciennes réalisent une intervention chirurgicale dans un bloc opératoire à la maternité d’Idlib. 13 ans de conflit et un grave manque de financement signifient que plus de 30 % des établissements de santé en Syrie ne peuvent fonctionner à pleine capacité. © UNFPA/Dina Ali
  • 14 Mars 2024

IDLIB, République arabe syrienne – « J’ai moi-même été témoin des conséquences désastreuses du conflit sur le domaine de la santé », témoigne la Dr Ikram Habbush, directrice de la maternité d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie.

La Dr Habbush est la première obstétricienne à diriger l’établissement soutenu par l’UNFPA, l’agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive, et administré par la Syrian American Mecial Society (SAMS). Elle fait également partie des nombreuses professionnelles de santé résilientes qui se vouent corps et âme pour garantir le bien-être des femmes et des filles syriennes, malgré 13 ans de conflit, un déplacement de masse, des séismes et une insécurité rampante.

« Mon but est d’insuffler un changement positif au sein de ma communauté, et de protéger la vie des femmes et des filles de l’une des régions du monde les plus touchées par les crises », déclare-t-elle à l’UNFPA.

La généralisation de l’instabilité et le grave manque de financement signifient que plus de 30 % des établissements de santé en Syrie ne peuvent fonctionner à pleine capacité. Les autres sont souvent mal approvisionnés, submergés et dans de nombreux cas incapables de prendre en charge des patientes en urgence vitale. Dans le nord-ouest de la Syrie, cette situation a conduit à un nombre dramatique d’urgences obstétriques ayant entraîné la mort de femmes enceintes, dont de nombreuses ont perdu la vie lors de leur transfert depuis un hôpital manquant de ressources cruciales, telles que des médicaments ou des réserves de sang.

À la maternité où travaille la Dr Habbush, l’UNFPA et des partenaires ont mis en place une banque de sang qui a permis de sauver la vie d’environ 2 000 femmes l’année dernière. L’hôpital est capable de prendre en charge des accouchements complexes et risqués, notamment 150 césariennes par mois en moyenne. Outre des services de soins complets dédiés aux urgences obstétricales et à la prise en charge des nourrissons, l’hôpital fournit également des services intégrés de protection et de lutte contre la violence basée sur le genre.

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La Dr Ikram Habbush, directrice de la maternité d’Idlib dans le nord-ouest de la Syrie, est la première femme à diriger l’établissement soutenu par l’UNFPA.  © UNFPA Siria/Dina Ali 

Le rôle vital des professionnelles de santé

Pourtant, alors que le contexte sécuritaire est de plus en plus menacé dans les régions du nord-est, du sud-ouest et du centre de la Syrie, et que les graves déficits de financement affectent l’ensemble du système humanitaire, de nombreux établissements prenant en charge les urgences obstétriques et les soins aux nourrissons ont été contraints de suspendre leurs services.

Rien que dans le nord-ouest de la Syrie, les données de l’UNFPA montrent que ces difficultés ont laissé plus de deux millions de personnes sans aucune aide essentielle ou presque, et environ 500 000 femmes et filles n’ont désormais plus qu’un accès limité aux services vitaux de santé sexuelle et reproductive.

Les professionnelles de santé ont alors pris le relais. C’est auprès d’elles que les femmes et les filles recherchent empathie et soutien, non pas seulement pendant la grossesse et l’accouchement, mais également après avoir été victimes de pratiques dangereuses telles que la violence basée sur le genre.

Le traumatisme résultant de ces expériences peut avoir des effets débilitants, c’est pourquoi apporter un soutien psychologique est une priorité pour les soignantes syriennes. À travers la Syrie, l’UNFPA soutient la formation de sages-femmes pour garantir la bonne prise en charge des femmes enceintes, des mères et des nourrissons et pour veiller à ce qu’elles reçoivent des conseils en matière de troubles psychologiques comme la dépression post-partum, une maladie qui s’est largement répandue alors que la crise s’éternise dans le pays.

« Les femmes et les filles de notre communauté préfèrent de loin être examinées par une femme obstétricienne plutôt que par un homme », explique la Dr. Najwan Khizran, qui travaille à l’hôpital d’Idlib.

Amna Marai est sage-femme et travaille à l’hôpital Qah d’Idlib, soutenu par l’UNFPA et la SAMS. « Après 30 ans d’expérience en tant que sage-femme, j’ai appris qu’il était crucial de soutenir les nouvelles mamans qui traversent une dépression post-partum », témoigne-t-elle. « Outre l’assistance qu’elles leur apportent, les sages-femmes peuvent les orienter vers un soutien psychologique et leur donner des recommandations pour les aider à surmonter cette phase éprouvante. »
 

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« Mon but est de protéger la vie des femmes et des filles de l’une des régions du monde les plus touchées par les crises », déclare la Dr Ikram Habbush à l’UNFPA. © UNFPA Siria/Dina Ali 

Autonomiser les femmes dans le domaine des soins de santé

L’année dernière, les programmes de l’UNFPA ont permis à près de 1,9 million de personnes en Syrie d’avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive, et plus de 880 000 d’entre elles ont bénéficié de services de prévention et d’intervention en matière de violence basée sur le genre. Pourtant, 2023 a été l’une des pires années pour les femmes et les filles syriennes depuis avant le début de la pandémie. Et le manque de financement laisse présager une aggravation de la situation en 2024, alors qu’un nombre record de 16,7 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire.

Lorsqu’une crise s’éternise comme en Syrie, de nombreuses femmes et filles font les frais de normes sociales préjudiciables telles que le mariage précoce ou d’enfants, et subissent des inégalités de genre tenaces qui les contraignent à endosser le rôle d’aidante au lieu de faire de leur carrière ou de leur potentiel académique une priorité. 

Alors que les femmes et les filles syriennes semblent n’avoir aucune chance, la Directrice régionale de l’UNFPA pour les pays arabes, Leila Baker, déclare : « Leur résilience est tout simplement extraordinaire. Nombre d’entre elles ont surmonté leur situation et sont devenues leaders communautaires, activistes et entrepreneuses, œuvrant pour améliorer leur avenir tout comme celui de leur communauté. »

« Leur détermination inébranlable souligne à quel point il est important de répondre aux besoins immédiats, mais également d’investir dans leur bien-être et leur autonomisation à long terme. »

Le message de la Dr Habbush à ses compatriotes syriennes est de faire preuve de courage. « Lorsque vous croyez fermement en la cause qui vous guide, le simple fait d’être une femme ne doit jamais vous faire douter de votre capacité à changer les choses. » 

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