La santé sexuelle des seniors, la fin d’un tabou

Royaume-Uni

La santé sexuelle des seniors, la fin d’un tabou

« Les personnes âgées déplorent souvent des difficultés à trouver des informations fiables. »

Au café « Age of Love » de Northampton, en Angleterre, les seniors ont la possibilité de s’informer sur la santé sexuelle dans un environnement sûr et confidentiel. Crédit photo: © Sharron Hinchliff

Certaines femmes se sont présentées seules, d’autres avec des amies ; parmi elles, on compte quelques septuagénaires. En ce samedi après-midi d’août 2023, toutes sont venues participer à la rencontre café « Age of Love », organisée dans un centre communautaire de la ville de Northampton, Angleterre.

À l’intérieur, les femmes attendent, aux sons d’une musique enjouée, que le programme du jour commence. Les rideaux ont été tirés pour davantage d’intimité. Quelques-unes en profitent pour discuter, d’autres s’assoient en silence.

« Au début, tout le monde est un peu nerveux d’entamer trois heures de conversation autour de la sexualité et de la santé », explique Audrey Tang, psychologue, éducatrice et coorganisatrice de l’événement. « Mais très vite, les participantes commencent à s’ouvrir et l’atmosphère s’égaye aussitôt », continue-t-elle.

Cet événement s’inscrit dans une série de rencontres visant à sensibiliser les seniors à la santé sexuelle. Dans cet « environnement convivial et confidentiel », les intervenants répondent à toutes sortes de questions concernant le corps et la sexualité en vieillissant, précise Sharron Hinchliff, professeure de l’Université de Sheffield à l’origine de la création des rencontres « Age of Love » en 2019.

Sharron espère que ces événements aideront à combler le vide informationnel auquel sont confrontées les personnes âgées qui cherchent à se renseigner sur des sujets tels que la ménopause, la dysfonction érectile ou encore l’influence des maladies et médicaments sur la libido.

« Ils se plaignent souvent de la difficulté à trouver des informations fiables », déplore Sharron. Selon elle, une partie du problème viendrait de la croyance populaire qui voudrait que les seniors n’aient pas de sexualité et n’aient donc pas besoin de conseils en la matière.

« Mais de nombreuses personnes âgées ont une vie sexuelle active », rectifie-t-elle. D’autres, pour leur part, aimeraient retrouver une vie intime. Une étude menée au Royaume-Uni en 2019 a en effet révélé qu’un quart des hommes et une femme sur six de 55 à 74 ans connaissaient un problème de santé ou suivaient un traitement affectant leur vie sexuelle (Erens et al., 2019). Selon l’Institut Healthy Lifespan de l’Université de Sheffield, ce constat est d’autant plus vrai pour les personnes âgées de 65 ans ou plus, dont la moitié vit avec deux maladies chroniques ou plus.

« Il y a une forte demande qui reste insatisfaite » parmi les seniors, affirme Sharron. Un phénomène qui devrait se confirmer avec l’allongement de l’espérance de vie. Aujourd’hui, au Royaume-Uni, un quart de la population est âgé de 60 ans ou plus, pour une espérance de vie d’environ 80 ans (Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2022a).

Les seniors rapportent pourtant à Sharron que leurs besoins et préoccupations en matière de santé sexuelle sont souvent négligés ou ignorés par les médecins, en raison de leur âge. « Cette indifférence peut se traduire de différentes façons : ne pas préciser, après une hystérectomie, à partir de quel moment il est possible de reprendre une activité sexuelle, ou encore avancer l’argument de l’âge pour expliquer d’éventuelles douleurs pendant les rapports, sans offrir aux patients l’aide ni dispenser les conseils dont ils ont besoin », affirme Sharron.

Le peu de données scientifiques disponibles en la matière montre que les droits sexuels des personnes âgées sont régulièrement ignorés. C’est pour lutter contre cette injustice que, Sharron, en collaboration avec Stephanie Ejegi-Memeh, associée de recherche à l’Université de Sheffield, et Gilli Cliff, administrateur en chef du projet Age-Friendly Sheffield, ont imaginé la première Charte relative aux droits sexuels des seniors. À travers cette initiative, ils entendent « garantir que toute personne puisse vivre sa sexualité dans la dignité et le respect, sans discrimination liée à l’âge ».

Le déni des droits sexuels des personnes âgées peut prendre différentes formes. Dans les maisons de santé, les relations intimes entre résidents sont très souvent interdites. Les seniors sont en outre régulièrement exclus des campagnes d’éducation à la santé sexuelle, y compris de celles axées sur la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles.

En 2019, l’association Age UK a révélé qu’entre 2014 et 2018, les nouveaux diagnostics d’infections sexuellement transmissibles avaient chuté de plus de 7 % chez les hommes de 20 à 24 ans, tandis qu’ils avaient augmenté de presque 14 % chez les hommes de 45 à 64 ans et de 23 % sur la tranche d’âge des 65 ans et plus, tous sexes confondus (Age UK, 2019). Cette tendance met au jour de fortes inégalités liées à l’âge dans l’accès aux services et à l’information en matière de santé sexuelle au Royaume-Uni, analyse Sharron.

Parallèlement à cela, les seniors sont également moins susceptibles que les jeunes de dénoncer les agressions sexuelles. Il y a une crainte de ne pas être cru, de ne pas correspondre à « l’image que se fait la société d’une victime de viol », explique-t-elle. Les personnes âgées peuvent également tarder à consulter en cas de trouble sexuel, conscientes que la sexualité des personnes âgées est perçue comme incongrue ou inexistante.

Autant d’obstacles qui se trouvent encore décuplés pour les personnes seniors gays, lesbiennes ou transgenres, ou encore racisées, issues de minorités ethniques ou de milieux pauvres ou traditionnels, précise Sharron.

La Charte relative aux droits sexuels des seniors constituera donc un support précieux pour aider les prestataires de soins de santé, les travailleurs sociaux, les groupes communautaires, les bénévoles et les décideurs politiques à mieux comprendre et aborder les besoins propres au troisième âge. Elle devra également étayer toutes les initiatives visant à faire de Sheffield une ville où il fait bon vieillir.

« Cette Charte est née d’un grand sentiment de frustration », explique Sharron. Selon elle, de nombreux problèmes pourraient être résolus à travers d’éléments simples, en s’intéressant par exemple à la manière dont un traitement affecte la vie sexuelle des patients. En application des principes de la Charte, Sharron et ses collègues de l’Université de Sheffield ont créé le site AgeSexandYou.com, qui contient des informations claires sur la santé sexuelle et la sexualité des femmes et hommes âgés.

En 2018, le projet Age-Friendly Sheffield, fruit d’un partenariat entre des organisations et des particuliers, a rejoint le Réseau mondial OMS des villes et des communautés amies des aînés. En tant que membre de ce réseau, Age-Friendly Sheffield travaille à instaurer des environnements sociaux et physiques épanouissants pour les plus âgés. Les rencontres-cafés s’inscrivent dans cette logique. Si les premières rencontres s’adressaient avant tout aux femmes, en décembre 2023, l’événement « Brisons le silence » a convié des hommes pour échanger autour de leur santé mentale et de leur bien-être, y compris sexuel. « Eux aussi veulent s’exprimer sur ces choses-là » rappelle Sharron, « seulement, nous ne leur en offrons que rarement l’occasion ou l’environnement adéquat. »

Reportages

Le tissage et la broderie brouillent les frontières entre art et fonctionnalité, entre aspect pratique et dimension esthétique. Par le passé, les mouvements de femmes ont souvent utilisé les textiles pour sensibiliser le public aux questions qui leur tenaient à cœur, comme l’acceptation de son corps, la justice reproductive ou encore la lutte contre le racisme systémique. Les artistes contemporaines et les collectifs textiles dirigés par des femmes perpétuent cette tradition à travers des œuvres reflétant leur environnement et leurs coutumes locales. Depuis des milliers d’années, l’art textile permet ainsi aux femmes du monde entier de créer des passerelles entre les générations passées et futures, au sein des familles et des communautés.

Nous tenons à remercier les artistes dont les créations illustrent ce rapport :

  • Nneka Jones

    Nneka Jones

  • Rosie James

    Rosie James

  • Bayombe Endani, représentée par The Advocacy Project

    Bayombe Endani, représentée par The Advocacy Project

  • Woza Moya

    Woza Moya

  • Le Collectif de femmes Tally Assuit, représenté par l’International Folk Art Market

    Le Collectif de femmes Tally Assuit, représenté par l’International Folk Art Market

  • Pankaja Sethi

    Pankaja Sethi

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