Actualités
Échapper au mariage précoce en Sierra Leone
- 27 Mars 2018
Actualités
FREETOWN, Sierra Leone/Johannesburg, Afrique du Sud – « Selon nos traditions, une fille doit être mariée quand elle atteint la puberté », explique Zainab Binta Jalloh, une jeune fille de 23 ans qui vit dans le district de Koinadugu en Sierra Leone. Elle le sait bien : elle a été mariée de force à 15 ans.
Deux ans plus tôt, alors qu’elle n’avait que 13 ans, un homme de 45 ans a fait une proposition de mariage à ses parents.
« Il était riche, et il utilisait son argent pour influencer mes parents. Mes parents me parlaient tous les jours de lui pour me pousser à accepter », raconte-t-elle à l’UNFPA.
Cependant, elle refusait de se marier si jeune. « Je leur ai toujours résisté », se souvient-elle.
Le mariage d’enfants est une violation des droits de la personne qui menace la vie et la santé des jeunes filles. Les jeunes filles peuvent en effet tomber enceintes avant que leurs corps ne soient prêts, et courent de grands risques de subir des violences. Elles sont souvent forcée à arrêter l’école, ce qui limite beaucoup leurs perspectives d’avenir.
Mme Binta Jalloh savait qu’elle avait besoin d’aide pour échapper à son mariage précoce.
« J’ai expliqué ma situation à une amie, qui m’a conseillé de rejoindre le Children’s Forum Network. Grâce à ce réseau, j’ai eu la chance de faire partie du National Girls’ Camp. »
Ce camp d’une semaine pour l’autonomisation des jeunes filles est organisé par le Bureau de la Première dame et l’UNFPA. Il informe les jeunes filles sur leur santé et leurs droits. Il leur apprend aussi des notions de comptabilité, d’informatique, et comprend une formation complète sur la sexualité ainsi que sur l’engagement et le militantisme.
Les jeunes filles viennent de milieux très divers et sont soutenues par une marraine. « J’ai appris de femmes qui sont devenues des modèles pour moi, car leurs histoires m’ont inspirée », explique Mme Binta Jalloh.
Pourtant, lorsqu’elle est rentrée chez elle, ses parents n’ont pas voulu entendre qu’elle aurait plus de chances dans la vie si elle évitait un mariage précoce.
Ils ont exigé qu’elle épouse le mari qu’ils lui avaient choisi.
« Cette fois-ci, mes parents m’ont dit qu’ils me déshériteraient si je continuais à refuser le mariage. Je n’avais plus le choix. Je l’ai épousé. »
Ce mariage était un cauchemar, déclare Mme Binta Jalloh.
Son mari avait déjà une épouse. « Vous imaginez ? Il avait une autre femme qui était plus âgée que ma mère. Mes parents et moi l’ignorions », dit-elle.
« L’autre épouse a veillé à ce que je reste isolée et à ce que j’écope de toutes les tâches domestiques. Je n’avais aucun ami et je n’avais pas le droit de parler aux voisins. »
Le soir, elle subissait des violences sexuelles de la part de son mari. « Quand il rentrait du travail le soir, il me forçait à être intime avec lui », raconte-t-elle.
Son mari avait promis de l’envoyer à l’école, mais s’est rétracté après le mariage.
Elle explique qu’il lui a dit : « tu es là pour compenser tout l’argent que tes parents m’ont pris, alors ne compte pas retourner à l’école ou chez eux. Tu es là pour me satisfaire ».
Plusieurs mois après, elle a à nouveau eu l’occasion d’aller au National Girls’ Camp annuel.
Cette fois, les cours sur les droits de la personne et l’autonomisation des filles l’ont poussée à une démarche courageuse.
« J’ai décidé de m’enfuir. Je suis allée chez mon frère [qui vivait] dans une autre ville et qui ne savait pas que j’étais mariée. »
Son frère l’a accueillie. « Je lui ai expliqué ma situation, et il a décidé de me renvoyer à l’école. »
L’UNFPA travaille avec le gouvernement et plusieurs autres partenaires pour mettre fin au mariage d’enfants et promouvoir le bien-être des jeunes filles au Sierra Leone.
Ainsi, grâce au UNFPA-UNICEF Global Programme to Accelerate Action to End Child Marriage (un programme conjoint de l’UNICEF et de l’UNFPA pour mettre fin au mariage d’enfants), des clubs de jeunes filles sont mis en place dans tout le pays. Les jeunes filles y apprennent leurs droits et sont informées sur leur santé, et notamment sur les risques que présentent les grossesses précoces, ainsi que sur leur droit à vivre sans violences et hors de tout mariage précoce. Elles reçoivent également du soutien et des conseils de femmes de confiance qui leur servent d’exemples.
Aujourd’hui, Mme Binta Jalloh est devenue un exemple à son tour. Elle parle librement de son expérience, partage son histoire avec les jeunes filles, les militantes et bien d’autres, pour provoquer le changement.
Elle suit également des cours à l’université, et a de grands rêves.
« Je profite actuellement de ma vie d’étudiante, dit-elle à l’UNFPA. J’espère économiser assez d’argent pour pouvoir un jour faire des études pour devenir médecin. »
Traduit de l'anglais par Marie Marchandeau