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Violence en hausse, crise du carburant et épidémie de choléra : Haïti en proie à une « catastrophe humanitaire »

Des femmes portent des bouteilles de propane lors d’une manifestation à Port-au-Prince. Émeutes et pillages ont encore déséquilibré une situation instable depuis l’annonce de la hausse des prix du carburant en septembre dernier. On estime que près des trois quarts des hôpitaux sont fermés, et les services essentiels sont gravement menacés dans le pays. © RICHARD PIERRIN/AFP via Getty Images
  • 13 Octobre 2022

PORT-AU-PRINCE, Haïti – Alors que la protection, les soins de santé et les services essentiels s’effondrent, la violence et la crise économique et politique très instable qui submergent actuellement Haïti ont rapidement créé ce que les Nations Unies décrivent comme une catastrophe humanitaire.

Un blocus mis en place par un gang au terminal principal de carburant du pays, dans la capitale, a provoqué des émeutes et de graves pénuries. Près des trois quarts des principaux hôpitaux n’ont plus d’électricité et ne sont plus en capacité de fonctionner ; on constate des pénuries de médicaments, d’oxygène et d’équipements essentiels. Les transports étant presque inexistants, les agent·e·s de santé ne peuvent plus se rendre sur leur lieu de travail et il n’y a plus actuellement que trois ambulances opérationnelles à Port-au-Prince, et presque aucune dans tout le reste du pays.

La violence de gang connaît une forte hausse dans tout Haïti depuis juillet 2022, et on déplore des centaines de personnes assassinés, violées ou kidnappées, ainsi que plus de 25 000 ayant dû fuir leur foyer dans la capitale à la recherche d’un refuge – la majorité sont des femmes et des enfants.

Désormais, dans un contexte d’absence quasi-totale de services essentiels (notamment de centres de santé opérationnels), d’accès à l’eau potable, de structures sanitaires et de collecte des déchets, une épidémie de choléra menace la santé et la vie de millions de personnes déjà en situation de vulnérabilité et de pauvreté. Cette maladie transmissible par l’eau peut être mortelle si elle n’est pas traitée dès les premières heures : déjà 18 personnes en sont mortes et on dénombre 250 suspicions de cas.

Sans structures médicales ni personnel de santé qualifié, ce sont près de 29 000 femmes enceintes et leurs nouveau-nés qui courent le plus grave danger si les soins essentiels nécessaires ne leur sont pas prodigués, en particulier en cas de contraction du choléra. On estime par ailleurs à 10 000 le nombre de cas possibles de complications obstétriques non traitées, et des milliers de femmes et de filles faisant face à des taux très élevés de violences et d’abus sexuels ne peuvent plus bénéficier de services de protection.

Une femme transporte des marchandises.
Une femme arpente des rues désertées par une grève générale à Port-au-Prince. Alors qu’une nouvelle flambée de choléra vient de se déclarer, les personnes les plus à risque sont les dizaines de milliers de femmes enceintes, de filles et de nouveau-nés : les structures médicales sont obligées de fermer et le personnel de santé qualifié ne peut plus se rendre sur ses lieux de travail. © RICHARD PIERRIN/AFP via Getty Images

 

Des risques démultipliés pour les femmes et les filles

« Mon engagement professionnel consiste à sauver des vies, à empêcher trop empêcher toujours plus de jeunes filles et de femmes de tomber enceintes sans en avoir eu l’intention, et de mourir en couches », explique Judline, infirmière et agente communautaire à Port-au-Prince. « Je travaille avec une équipe de responsables communautaires, et nous coordonnons des cliniques mobiles auprès desquelles les femmes et les adolescentes peuvent bénéficier de services de santé reproductive », explique-t-elle.

Au milieu de la violence et de l’insécurité, elle continue à se rendre dans les camps de personnes déplacées lorsque les conditions de sécurité le permettent, pour aider les femmes et les filles à recevoir les soins dont elles ont désespérément besoin. Judline et son équipe identifient et suivent les femmes enceintes qui peuvent souffrir de complications, et orientent femmes et filles ayant subi des violences vers des services d’aide.

Au cours d’une action de sensibilisation dans l’un des camps, Judline a rencontré une fille de 15 ans, Nardine. « Elle ne voulait pas parler avec moi au début, mais elle a fini par me dire qu’elle en était à son troisième trimestre de grossesse », se souvient-elle. Lorsqu’elle s’est rendu compte que la jeune fille commençait un travail précoce, Judline l’a accompagnée à pied sur plus de deux kilomètres jusqu’à l’hôpital universitaire de La Paix, où Nardine a pu donner naissance à une petite fille en toute sécurité.

Au milieu d’une crise qui s’aggrave, l’UNFPA reste sur le terrain

Haïti présente déjà le plus fort taux de mortalité maternelle de légion Amérique latine-Caraïbes, et la récente flambée de violence et d’instabilité menace la vie de milliers de femmes enceintes et allaitantes, surtout de celles qui vivent dans les camps pour personnes déplacées.

L’UNFPA continue à mener des actions de secours et de prévention de la violence basée sur le genre grâce à ses cliniques de santé mobiles, et à l’orientation des personnes vers des établissements de santé adaptés pour les soins cliniques et psychologiques, lorsque c’est possible. Cependant, près de 7 000 survivantes de violence sexuelle seront dans l’impossibilité d’accéder à des soins médicaux et psychosociaux, et des milliers d’autres risquent de subir le même sort si les mécanismes de protection continuent à s’effondrer et que les services essentiels se trouvent contraints à fermer.

Une femme tient son enfant.
Des mères attendent la vaccination avec leurs enfants, à l’hôpital de Vieux Bourg d'Aquin dans le sud d’Haïti. © UNFPA/Ralph Tedy Erol

L’UNFPA a distribué des centaines de kits maternité et dignité à des femmes et des filles qui ont tout perdu en fuyant leur maison de Port-au-Prince, et travaille avec des partenaires pour installer des sources d’énergie solaire dans les hôpitaux et les centres de santé. Cela a déjà permis aux structures devant respecter la chaîne du froid de stocker des vaccins et des médicaments, et à des services maternels essentiels de continuer à fonctionner dans 12 endroits différents du pays. Pourtant, l’énergie solaire à elle seule ne pourra pas faire en sorte que les hôpitaux soient opérationnels à 100 %.

Malgré les risques encourus, Judline déclare qu’elle continuera avec son équipe d’assurer que les femmes et filles enceintes aient accès à de l’eau potable et soient traitées contre le choléra lorsqu’elles en sont atteintes. « Je ne peux pas les abandonner », dit-elle. « Je me vois comme porteuse d’espoir, comme une oreille disponible pour les femmes et les filles vulnérables qui appellent à l’aide. »

 

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