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Pérou : les tribunaux, la police et les travailleurs sociaux s’unissent pour protéger les victimes

Le centre CASE, soutenu par l’UNFPA, offre un soutien social et juridique aux femmes ayant survécu à la violence basée sur le genre à Ayacucho. © Municipalité de Huamanga / Roxana Gomez Leon
  • 16 Octobre 2019

LIMA, Pérou - Pour les victimes de la violence basée sur le genre dans la région d'Ayacucho au Pérou, déposer une plainte était une expérience déconcertante. En plus du traumatisme lui-même, les femmes – dont beaucoup vivent dans la pauvreté et viennent de zones rurales et urbaines marginales – ont dû se rendre dans plusieurs bureaux pour remplir de la paperasse et ont dû attendre des mois, voire des années qu'un juge ordonne la protection de la police.

A cause de ces difficultés administratives, un grand nombre de femmes refusaient de solliciter l'assistance de la police. Selon une enquête menée en 2018, seules 37% des victimes avaient appelé la police pour signaler les abus, tandis que 54% préféraient demander de l'aide aux membres de leur famille ou à leurs amis. Ces chiffres sont significatifs dans une région où la même enquête a révélé qu'une femme sur trois avait subi des violences de la part de son partenaire.

« La violence basée sur le genre [ici] est un problème culturel ancré dans la société », a déclaré Richard Sarmiento Quinta, ancien responsable de la municipalité de Huamanga. « Nous avons réalisé que notre seul moyen d’action était d'adopter une approche intégrée [qui évite] d’accabler la victime d’avantage. »

À la fin de l’année 2015, le Pérou a adopté une loi qui garantissait pour la première fois la protection de la police aux victimes de violences basées sur le genre. Mais il n'y a pas assez de ressources pour étendre cette protection aux zones difficiles d’accès.

Après s’être rapproché des communautés locales, du système judiciaire et de ses partenaires, y compris l’UNFPA, la municipalité provinciale de Huamanga a décidé de faire respecter la loi en déployant un système d'intervention mis en place par des juges spécialisés en droit de la famille, des policiers et des travailleurs sociaux. Dans ce cadre, le Centre de protection sociale des émotions (CASE, acronyme espagnol) a été mis en place en tant qu'initiative provinciale qui articule les compétences des institutions chargées de traiter les affaires de violence, et fournissant des soins multisectoriels et multidisciplinaires aux victimes.

Une action rapide


Le regroupement de ces services en un seul endroit constitue « le moyen le
plus efficace d'aider les victimes » de violence basée sur le genre. 
© Municipalité de Huamanga / Roxana
Gomez Leon

Le centre CASE offre un soutien social et juridique aux victimes. Il détient ses propres poste de police, tribunal et bureau du procureur. Les procureurs, spécialisés en droit de la famille et en droit pénal, travaillent aux côtés d'un médiateur municipal pour enfants et adolescents. Le centre comprend également une unité mobile d’intervention urgente pour les victimes de violences basées sur le genre, et un centre d’urgence séparé qui est dédié aux femmes, fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 depuis septembre 2019. 

Les victimes bénéficient de l'assistance de spécialistes en traumatologie, avant de pouvoir parler à un policier, qui déposera leur plainte devant un tribunal de la famille. Un juge examine ensuite l'affaire et peut ordonner la protection de la police le jour même.

Le centre CASE a traité 653 affaires de janvier à août 2019. Un grand nombre de ces affaires concernent des femmes qui, par le passé, n’auraient peut-être pas signalé les actes de violence dont elles étaient victimes, parce qu'elles dépendaient financièrement ou matériellement de leur partenaire.

Mais les femmes se sentent de plus en plus capables de demander de l'aide, en particulier lorsqu'elles savent que la protection de la police peut être étendue à leurs enfants.

« Avant la nouvelle loi [et le programme], ces affaires auraient mis des mois, voire des années à être traitées », a déclaré César Arce Villar, ancien président de la Cour suprême d'Ayacucho. « Nous avons maintenant la possibilité de tenir une audience dans les 24 heures. »

Les fonctionnaires des tribunaux de la famille, des postes de police et du personnel du centre d'urgence pour femmes travaillent tous ensemble au centre CASE. Si beaucoup sont basés à Huamanga, la capitale de la région, d’autres viennent de villes et villages lointains, contribuant à la diffusion de l’information et des perspectives dans la région.

« Justice, protection et bien-être »


Les officiers des tribunaux de la famille, des postes de police et du
personnel du centre d’urgence pour femmes travaillent tous ensemble
au centre CASE. © Municipalité de Huamanga / Roxana Gomez Leon

Pour Carolina Vargas, coordinatrice régionale du ministère des Femmes et des populations vulnérables du Pérou à Ayacucho, le centre CASE est un modèle pour tout le pays. 

Le centre, a-t-elle expliqué, réunit dans un même espace des responsables représentant les tribunaux, les forces de sécurité et les services sociaux et juridiques. Tous les secteurs collaborent pour donner aux victimes l'accès à « la justice, à la protection et au bien-être".

« Nous fournissons des services complets et de qualité aux femmes qui viennent nous demander protection, justice et bien-être », a déclaré Melissa Bustamante, spécialiste des droits de l'homme et des droits des femmes à l'UNFPA. Au Pérou, l’UNFPA coordonne le Programme commun de services essentiels pour les femmes et les filles victimes de violence, avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement, de l’Organisation mondiale de la Santé et d’autres partenaires.

M. Sarmiento estime également que le programme peut être un modèle pour tout le Pérou. Il est heureux de voir combien de femmes ont pu non seulement échapper à la violence, mais aussi demander justice. 

« C'est ce que nous voulons : contribuer à une société plus juste. »

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