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Le COVID-19 frappe le Yémen alors que les fonds humanitaires s’amenuisent

Une femme et son nouveau-né dans un centre de santé soutenu par l'UNFPA. Plus de 100 établissements de santé risquent de fermer. © UNFPA Yémen
  • 08 Mai 2020

SANAA, Yémen – Le 10 avril, le Yémen annonçait son premier cas de COVID-19 confirmé par test en laboratoire. Depuis, 34 cas supplémentaires et 7 décès ont été rapportés. Les soignant·e·s, déjà à bout après cinq ans d’un épuisant conflit, alertent sur le risque de catastrophe sanitaire que représente cette pandémie pour le pays.

« Si le coronavirus se propage au Yémen, ce sera un désastre humanitaire inimaginable », déclare le Dr Amani Omar, qui travaille au centre de santé d’Azan, dans la ville rurale d’Hajjah. Elle est la première femme à être médecin généraliste dans cette structure.

« En tant que médecins, nous savons à quel point ce serait désastreux. Nous n’avons ni les structures ni les normes sanitaires minimales permettant de traiter le virus. Nous n’avons pas d’oxygène. Nous n’avons pas de respirateurs. Nous n’avons pas d’unités de soins intensifs », explique-t-elle.

Les Yéménites vivent déjà la pire crise humanitaire du monde. Le système de santé est sur le point de s’effondrer, avec près de la moitié des structures de santé ne fonctionnant que partiellement, voire pas du tout. L’équipement et les produits médicaux sont inadaptés ou obsolètes, et le personnel de santé n’a pas été payé (ou l’a été de façon irrégulière) depuis plus de deux ans.


La pandémie constitue un risque grave pour les femmes, qui sont souvent chargées de s’occuper des malades. © UNFPA Yémen

Pourtant, même avec l’arrivée de la pandémie dans le pays, le financement du secteur humanitaire, y compris celui destiné à la santé, s’amenuise.

Début 2020, l’UNFPA a lancé un appel pour un financement de 100,5 millions de dollars pour ses opérations humanitaires normales au Yémen. Aujourd’hui, seulement 41 % de la somme a été mobilisée, ce qui porte donc le manque à 58,8 millions de dollars. 24 millions supplémentaires sont nécessaires pour la réponse au COVID-19, y compris pour assurer la protection des soignant·e·s et renforcer l’accès à la santé procréative.

« Notre priorité est d’assurer que l’accès des femmes à la santé procréative ne soit pas perturbé, et qu’elles soient protégées des violences en cette période difficile. Nous ne pouvons cependant le faire que si nous avons les fonds nécessaires », prévient Nestor Owomunhangi, représentant spécial de l’UNFPA au Yémen.

« Durant cette pandémie, les ravages au Yémen n’ont plus été au centre de l’attention, et cela se comprend », ajoute-t-il, « mais aujourd’hui nous ne pouvons plus ignorer la situation ».

Un grand manque de ressources chez les femmes et les filles

Femmes et filles voient leur santé procréative très menacée. 20 % seulement du système de santé est à même de fournir des services de santé maternelle et infantile. On estime qu’au Yémen, toutes les deux heures, une femme meurt de complications liées à sa grossesse ou à son accouchement.

L’an dernier, l’UNFPA a apporté son soutien à 235 structures de santé et 3 800 soignant·e·s du secteur de la santé procréative. Ce soutien comprenait notamment des produits médicaux essentiels, de l’équipement et un apport financier pour les coûts de fonctionnement. Plus d’1,5 million de femmes et de filles ont ainsi pu bénéficier de services de santé procréative.

Une grande partie de ce soutien pourrait être annulé si les fonds nécessaires ne sont pas réunis d’ici la mi-mai. Près de 140 structures de santé pourraient devoir fermer. Sans financement, 90 % des services de santé procréative de l’UNFPA pourraient fermer d’ici juillet. Cela priverait 320 000 femmes enceintes des services de santé spécifiques dont elles ont besoin.


Au Yémen, le personnel soignant a déjà traversé de terribles épreuves. La pandémie va les mettre encore plus en danger. © UNFPA Yémen

Ces manques tombent au moment où l’UNFPA tente de renforcer son soutien au système de santé du Yémen pour lui permettre de répondre à la pandémie. Si une flambée de COVID-19 se produit, il est très probable que les femmes en seront les principales victimes.

« Cinq ans de conflit, des apports nutritionnels très limités et une immunité faible rendent les femmes du Yémen de plus en plus vulnérables à une infection par le COVID-19 », déclare M. Owomunhangi.

Les rôles de genre très stricts dans le pays vont probablement amener femmes et filles à s’occuper des malades, ce qui leur fera risquer de contracter le virus. Ce sont aussi elles qui ont l’accès le plus restreint à des ressources financières et le moins de pouvoir décisionnel, ce qui peut les empêcher de bénéficier des services nécessaires si elles tombent malades.

De plus, la mesure de prévention la plus fondamentale, le lavage des mains, n’est absolument pas accessible à toutes. Plus de 9,1 millions de femmes et de filles ont besoin d’aide pour satisfaire leurs besoins en eau, services sanitaires et hygiène. La flambée des prix et la baisse du pouvoir d’achat rendent l’eau potable et les produits d’hygiène inabordables pour les plus vulnérables.

Les soignant·e·s sont les plus touché·e·s


L’UNFPA a déjà lancé son opération de réponse au COVID-19 dans le pays et livre des fournitures médicales essentielles. © UNFPA Yémen

Au Yémen, le personnel soignant a déjà enduré de terribles épreuves depuis le début du conflit qui fait rage dans le pays.

« Un soignant voit la mort plus d’une fois par jour. Cela peut être en venant travailler comme à l’intérieur même de l’hôpital », raconte le Dr Omar à l’UNFPA. Certaines structures de santé ont été la cible d’attaques, dit-elle. « Nous vivions dans l’horreur. Les années à venir ne pourront pas effacer ces souvenirs ».

Si la pandémie se propage, les soignant·e·s se trouveront à nouveau en grand danger.

« Nous manquons de personnel qualifié, mais aussi de protection et d’équipement de sécurité pour notre personnel de santé et de nettoyage », explique Fatima Yahya Ahmed, sage-femme à Abs, proche des premières lignes du conflit. « Nous avons peur ».

Malgré tout, Mme Ahmed affirme sa détermination.

« J’ai risqué ma vie lors de bombardements terribles, pour sauver des mères de complications dues à leur grossesse. Je n’ai ni équipement de sécurité ni connaissances suffisantes sur ce virus, mais je suis prête à continuer à risquer ma vie pour sauver mères et bébés ».

L’UNFPA a déjà lancé son opération de réponse au COVID-19 dans le pays, en livrant des fournitures médicales essentielles, des produits d’hygiène ainsi que des équipements de protection individuelle pour le personnel soignant. 114 structures de santé ont pu en bénéficier. 40 respirateurs ont été fournis, et 40 autres doivent arriver prochainement. Il est urgent de réunir les fonds pour financer ces efforts.

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