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En République centrafricaine, femmes et filles paient le prix inhumain de la guerre

Nema*, 14 ans, est tombée enceinte après avoir été violée dans un camp de personnes déplacées à Bambari, dans la préfecture de la Ouaka. La violence sexuelle n'est que trop courante dans un pays en proie à des conflits. © UNFPA République centrafricaine/Rachel Opota
  • 12 Juillet 2021

BAMBARI, PRÉFECTURE DE OUAKA, République centrafricaine – Non loin de l’aéroport de Bambari se trouve le Camp de l’aviation pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, où des constructions délabrées en paille abritent des personnes ayant fui le conflit qui ravage la préfecture de Ouaka. Certaines sont là depuis 2014, et bien que le conflit ait commencé deux ans plus tôt, sa fin semble très lointaine. 

Selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination de l’aide humanitaire, plus de 14 000 personnes déplacées peuplent à Bambari le camp de l’aviation et le camp PK8, et la majorité d’entre elles sont des femmes et des filles. En plus des obstacles qu’elles rencontrent dans leur accès aux soins et à la nourriture, elles risquent également de subir des violences sexuelles, qui sont utilisées comme armes de guerre.


Une femme de 50 ans a réussi à repousser son agresseur potentiel, mais les autres femmes du camp n'ont pas eu cette chance. © UNFPA République centrafricaine/Rachel Opota

Vivre dans la peur

Une femme du camp PK8 se souvient s’être trouvée face à face avec un homme sortant de la brousse, machette à la main, exigeant un rapport sexuel. « Je me suis enfuie, mais il m’a rattrapée et m’a blessée au visage avec sa machette. Il a commencé à me déshabiller, mais je me suis débattue et j’ai hurlé de toutes mes forces. Il m’a frappée aux cuisses, mais j’ai continué à crier et à lutter. Il a fini par partir quand il a entendu que la population locale allait venir m’aider. J’ai eu de la chance, mais ça n’a pas été le cas d’autres femmes qui avaient déjà croisé sa route. Je vis dans la peur aujourd’hui. »

En 2020, le Système de gestion de l’informationsur la violence de genre, un outil de suivi alimenté par plusieurs partenaires humanitaires dont l’UNFPA, a enregistré 9 216 cas de violence basée sur le genre dans le pays, dont 24 % (soit 2 281 cas) étaient des cas de violence sexuelle. Plus d’un tiers de ces violences ont été commises par des membres de groupes armés, et le reste par des civils. Entre juin 2020 et mai 2021, un partenaire* de l’UNFPA a documenté 619 cas de violence basée sur le genre ; sur 195 cas de violence sexuelle, 136 ont été commis sur des mineures. 

Certaines survivantes connaissent leurs agresseurs. Simone* a 12 ans et vit au camp PK8, et c’est son oncle qui l’a violée en juin dernier. Elle a fini par retourner à l’école et son oncle est aujourd’hui en prison.

Nema*, qui a 14 ans et vit aussi au camp PK8, avait refusé les avances d’un homme de 56 ans qui voulait l’épouser. « Un soir, alors que je revenais des champs, il m’a attendue sur le chemin que je prenais habituellement, et il m’a violée. Je n’en ai jamais parlé à personne », raconte-t-elle. « Mon père l’a découvert quand il m’a emmené à l’hôpital, car j’avais des douleurs à l’abdomen. Je me suis aperçue que j’étais enceinte d’un mois. Mon père a porté plainte contre cet homme et il est maintenant en prison. ».

Si les agresseurs de Simone et de Nema ont été punis, beaucoup d’autres sont en liberté à cause du manque de procureur·e·s  s et de cours de justice, qui ne permet pas de juger un tel volume de cas. Dans certaines familles de survivantes, des hommes commettent des « viols de vengeance » contre les femmes ou les filles de la famille de l’agresseur. D’autres affaires se règlent entre l’agresseur et la famille de la survivante, notamment quand la survivante était vierge et que la famille est très pauvre : une compensation d’environ 200 dollars est alors versée en guise de « prix du sang ». Pour d’autres, toute forme de justice reste aussi inaccessible que la paix. Un père dont la fille de 10 ans a été violée par un homme de 40 ans a déposé une plainte mais déclare que l’agresseur a payé un pot de vin pour être libéré. 

Faciliter l’aide aux survivantes

L’an dernier, en collaboration avec des partenaires tels que le ministère de la Promotion des femmes, la Famille et la Protection de l’enfance, l’UNFPA a distribué dans tout le pays plus de 9 000 kits dignité (qui contiennent des produits essentiels d’hygiène dont des serviettes hygiéniques), ainsi que 52 trousses médicolégales pour les cas de viol. Cela a permis d’aider le traitement de 2 600 cas de viol.

Pour répondre à la vague constante de violences sexuelles, l’UNFPA et son partenaire African Initiative for Development (AID) ont mis en place un centre d’aide à l’hôpital local de Bambari, qui est l’un des 12 espaces sûrs pour les femmes et les filles accessibles dans 5 préfectures, dont Ouaka. Ils ont également déployé une clinique mobile au mois de mai dernier : elle distribue des kits dignité aux femmes vulnérables dans les camps et prend en charge les cas de violence basée sur le genre. Cette clinique identifie et soigne les survivantes, mais mène aussi des sessions de sensibilisation, dans l’espoir qu’une éducation plus large aidera les communautés à soutenir leurs survivantes au lieu de les stigmatiser, de les couvrir de honte ou de les discriminer. Ces communautés sont elles aussi les victimes d’une guerre déjà trop cruelle.

*Les prénoms ont été changés ou omis pour garantir l’anonymat et la protection 

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