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Des solutions discrètes pour les victimes de violence domestique en confinement

Pris dans une vague d'appels à l'aide, les conseillers et la police se tournent vers de nouveaux moyens de communication. Image reproduite avec l’autorisation de Ternovyy Viktor
  • 21 Mai 2020

KIEV, Ukraine – Avant le confinement, Oleksandra* et son ex-mari n’étaient pas en bon termes, mais leur relation a empiré.

Elle vit dans le même appartement que lui, avec leurs deux enfants. Partager ce logement a toujours été difficile ; elle a constamment été harcelée, humiliée et maltraitée, a-t-elle témoigné. Durant le confinement, elle avait l'impression d’étouffer, mais n’osait pas demander d'aide, sachant qu'il pourrait entendre ses appels téléphoniques.

De nombreuses victimes vivent avec leurs agresseurs, selon les conseillers et les prestataires de services. Alors elles doivent se tourner vers d'autres moyens de communication.

« Lorsque nous suivons une personne, il arrive qu’elle préfère communiquer en ligne. Alors nous faisons ainsi », a déclaré Tetyana Franchuk, psychologue accompagné d’une équipe psychosociale mobile soutenue par l'UNFPA à Vyshneve, au sud de Kiev.

Oleksandra a pu contacter son équipe via l'application mobile Viber, et a reçu des conseils. Le système judiciaire traite actuellement son dossier.


Les fonctionnaires veulent que tout le monde sache que de l'aide est disponible, même en confinement. Un bureau de police affiche des informations sur les services. Image reproduite avec l’autorisation du ministère des Affaires intérieures de l'Ukraine.

Un besoin de services discrets

Depuis le début du confinement, Mme Franchuk et ses collègues fournissent des services via Skype, Viber, Zoom et téléphone. Selon elle, ces nouvelles plateformes se popularisent.

« Maintenant, certains habitués préfèrent ce mode de fonctionnement, qui leur convient mieux que le déplacement, et ils veulent continuer ainsi même après la fin du confinement. »

Le numéro national consacré à la violence domestique, soutenu par l'UNFPA avec un financement du Royaume-Uni, permet des consultations en ligne, ainsi que des appels via Skype, e-mail, Facebook Messenger et son site Web. Bientôt, ces services seront disponibles via Telegram.

En avril, 16% des appels à l’aide ont été reçus par ces canaux silencieux, a déclaré Alyona Kryvulyak de La Strada Ukraine, l'ONG qui gère la ligne nationale.

Des appels à l'aide en « croissance rapide »

Le nombre d'appels à la ligne nationale a doublé depuis le début du confinement. Mais les appels à la police, via le numéro d'urgence 102, sont restés constants, avec environ 1 600 appels par jour faisant état de violences domestiques.

Selon les autorités, les données réelles sont difficiles à obtenir. « Lorsque les gens appellent le 102, ils appellent la police. S’ils appellent la ligne d’assistance, c’est pour avoir des conseils et un soutien psychologique. Il est important de distinguer ces points », a déclaré Kateryna Pavlichenko, vice-ministre de l'Intérieur. « Tous les cas de violence ne sont pas signalés. »


Les membres de l'équipe psychosociale mobile ont vu s’accroitre le nombre d'appels à l'aide. Image reproduite avec l'autorisation de Maryna Hlushchenko.

Cela signifie que les conseillers et les travailleurs sociaux, comme Mme Franchuk et Mme Kryvulyak, doivent travailler frénétiquement pour répondre à cet accroissement massif.

Il existe six équipes psychosociales mobiles dans les oblasts de Kiev et de Mykolaïv. Elles sont soutenues par le Royaume-Uni, et ont été conçues à l'origine pour aider les combattants, anciens et actuels, à gérer leur stress et à réduire la violence. Aujourd'hui, tout le monde peut les contacter pour obtenir de l'aide – et les appels ont pratiquement doublés ces dernières semaines.

« De nombreuses questions sont liées aux pertes d'emplois », a déclaré Mme Franchuk, qui a indiqué que dans ces cas-là, elle oriente ses interlocuteurs vers d’autres services, tels que l'aide alimentaire. « Mais le principal problème est la violence domestique psychologique. De plus, le nombre d'appels concernant la violence physique augmente rapidement. »

Les hommes sonnent l'alarme

Les experts constatent que de plus en plus d'hommes demandent de l'aide.

Selon Mme Franchuk, les mécanismes d’adaptation, qui leur avaient été enseignés pour gérer le stress, ont parfois cessé de fonctionner. « On leur a appris à gérer leur colère, mais si le mode de vie change, ces stratégies, compétences et techniques doivent également être modifiées », a-t-elle déclaré.

Et sur la ligne nationale, 4% des appels sont désormais passés par les auteurs de violences. « Avant la quarantaine, ils ne représentaient pas plus de 2% des appels », a déclaré Mme Kryvulyak.

Elle a ajouté que de nombreux appels provenaient également d'hommes âgés, confrontés à des mauvais traitements de la part de leurs enfants et petits-enfants adultes. 

« Malheureusement, nous constatons que ce fléau est grandissant », a-t-elle déclaré. « La plupart du temps, ces situations impliquent des violences physiques, psychologiques et économiques. »


De plus en plus d'hommes demandent de l'aide, selon les experts. Image reproduite avec l'autorisation de Yulia Mudra

Une aide est disponible

L'UNFPA travaille en étroite collaboration avec la police pour garantir aux victimes un accès à la protection et à la justice. Elles doivent savoir que de l'aide est disponible, même en confinement.

Dans le cadre du projet pilote « POLINA » (police contre la violence), lancé en 2017 avec le soutien de l’UNFPA, des équipes de police spécialisées et spécialement formées luttent contre la violence domestique.

Le ministère de l'Intérieur a également lancé un chatbot Telegram – logiciel robot capable de dialoguer avec un individu – qui peut fournir des réponses aux questions les plus courantes sur la violence basée sur le genre. Il permet également aux utilisateurs de communiquer avec les travailleurs de l'aide juridique de l'État, le tout sans passer par des appels téléphoniques. Le chatbot a été particulièrement populaire parmi les utilisateurs adolescents.

Cinq des centres de crise de l'UNFPA fournissent également une assistance en ligne, et huit des neuf abris soutenus par l'UNFPA sont actuellement en action.

* Les noms ont été remplacés par soucis de confidentialité et de protection

 

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