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Des femmes qui se soutiennent entre elles : des contrôleuses de bus luttent contre la violence au Bhoutan

Kelsang Tshomo est contrôleuse de bus et conseillère. Elle travaille à l’élimination de la violence basée sur le genre en sensibilisant ses collègues contrôleuses et les passagers et passagères dans les transports en commun. © UNFPA Bhoutan/Sunita Giri
  • 01 Mars 2021

THIMPHU, Bhoutan – La pandémie a révélé de nombreuses et douloureuses vérités, et parmi elles à quel point la route est solitaire lorsqu’on traverse seul·e des difficultés. Nous avons vu combien le travail solidaire permet d’atteindre nos objectifs plus vite. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars prochain, nous rendons hommage aux femmes qui soutiennent d’autres femmes, même lorsqu’elles portent elles aussi un lourd fardeau. Lorsque les femmes se soutiennent entre elles, c’est toute la société qui s’élève.

Kelsang Tshomo, contrôleuse de bus, en est un bel exemple.

Une augmentation des signalements de violence

Alors que la reine du Bhoutan, Sa Majesté Gyaltsuen Jetsun Pema Wangchuck, faisait part de sa préoccupation vis-à-vis du nombre de cas de violences conjugales rapportés pendant le premier confinement lié à la pandémie de COVID-19, l’été dernier, Mme Tshomo appelait ses collègues et amies tous les jours pour vérifier qu’elles allaient bien. Si l’une d’entre elles subissait des violences, elle leur donnait des informations essentielles pour trouver de l’aide.

Mme Tshomo avait participé à une session d’information sur la prévention de la violence basée sur le genre, organisée par l’UNFPA en collaboration avec son partenaire associatif RENEW (Respect, Educate, Nurture and Empower Women). Cette session lui a appris que toute forme de violence faite aux femmes constitue une violation des droits de la personne. Cela a été une révélation, car elle avait grandi en pensant que la violence basée sur le genre était quelque chose de normal.

L’aînée de quatre enfants, Mme Tshomo avait été élevée dans la croyance traditionnelle selon laquelle c’est aux filles de s’occuper du foyer, tandis que les garçons, eux, saisissent des opportunités à l’extérieur. Elle a quitté le lycée pour aider sa famille et pour que ses frères et sœurs puissent continuer leur scolarité. Elle est finalement devenue conductrice au sein des services de bus de Thimphou, où elle assure également la fonction de conseillère pour une équipe de 87 personnes.

« La formation de l’UNFPA m’a fait réaliser que toute forme de violence, qu’elle soit verbale, psychologique, sexuelle ou physique, est inacceptable », déclare-t-elle. Selon RENEW, les signalements de violence basée sur le genre ont augmenté de près de 37 % au Bhoutan en 2020.


Mme Tshomo et ses collègues discutent de questions de violence basée sur le genre, qui étaient jusque-là des sujets tabous. Cliquez sur l’image pour voir d’autres femmes se soutenir entre elles. © UNFPA Bhoutan/Sunita Giri

En tant que conseillère, Mme Tshomo s’exprime lors de réunions de travail pour informer ses collègues sur les formes que peut prendre la violence basée sur le genre ainsi que les façons de la signaler et de trouver de l’aide psychosociale. « C’était considéré comme tabou. Il a fallu du temps pour convaincre mes collègues que la violence basée sur le genre affecte aussi bien les hommes que les femmes, et que tout le monde doit y mettre du sien pour l’éliminer », explique-t-elle. « Des collègues, dont certaines avaient toujours vécu dans la crainte de leur mari, sont devenues plus confiantes et s’ouvrent à la discussion pendant ces réunions. »   

Un militantisme itinérant

À présent, son équipe et elle emmènent soutien et action militante sur les routes. Le harcèlement et les violences dans l’espace public sont très répandus en Asie du Sud, comme le montrent les statistiques. C’est également le cas dans les transports en commun.

Au Bhoutan, les contrôleuses des bus de ville interagissent avec divers types de passagers et passagères chaque jour, notamment des jeunes femmes vulnérables, ce qui les place dans une position idéale pour faire changer la société bhoutanaise.

Les contrôleuses, très majoritairement des femmes, et les chauffeurs, très majoritairement des hommes, sont formé·e·s à repérer des situations telles que les violences verbales ou les contacts physiques inappropriés. Dans ces cas-là, les contrôleuses confrontent les auteurs de ces violences et donnent aux victimes un numéro d’assistance qu’elles peuvent appeler. Dans les cas graves, les contrôleuses appellent directement les services de protection.

Le partenariat de l’UNFPA avec les services de bus de Thimphou a permis la formation de 25 chauffeurs et contrôleuses aux mesures de prévention de la COVID-19 et de la violence basée sur le genre, ainsi qu’à la santé sexuelle et procréative ; elle doit prochainement concerner 20 personnes supplémentaires. 47 chauffeurs de taxi ont également été formés à repérer des signes de violence chez leurs passagers.

Bien que la réaction à son action soit globalement positive, Mme Tshomo constate que certaines femmes plus âgées, qui ont une conception traditionnelle de la supériorité masculine, lui disent de s’occuper de ses affaires. Cela ne l’empêche pas de continuer à faire de la sensibilisation. « Pour qu’un véritable changement se produise, les femmes doivent se donner mutuellement l’espace de partager, d’apprendre et de grandir ensemble », dit-elle. « Il est essentiel que les femmes se soutiennent entre elles pour créer une société sûre, égalitaire et heureuse, pour les femmes comme pour les hommes. » Les bus parcourent peut-être chaque jour les mêmes routes, mais les actions comme celle de Mme Tshomo peuvent beaucoup faire avancer les communautés.

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