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Des espaces sûrs en Colombie pour offrir du répit aux immigrantes vénézuéliennes

Des femmes dans un espace sûr de Saravena (Arauca), l’un des 19 de Colombie dédiés aux immigrantes vénézuéliennes survivantes de violence basée sur le genre. © UNFPA Colombie
  • 25 Février 2021

BOGOTÁ, Colombie – Griseida, 28 ans, a quitté le Venezuela car elle ne trouvait pas d’emploi qui l’aiderait à nourrir ses cinq enfants. Marlyng, qui a 35 ans, est aussi partie à cause du chômage, laissant derrière elle deux de ses trois enfants en attendant de pouvoir s’installer. Ces femmes ne sont que deux des 1,6 million immigrant·e·s en Colombie (dont la majorité n’a aucun titre de séjour) à quitter le Venezuela et sa crise humanitaire qui dure depuis plusieurs années.

Le 8 février dernier, le président colombien Iván Duque a donné un peu d’espoir aux immigrant·e·s vénézuélien·ne·s en leur accordant un permis de séjour temporaire de 10 ans, délai au bout duquel ils pourront faire une demande de résidence. Cette action, qui a été saluée, permet aux immigrant·e·s d’avoir accès aux soins de santé. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, on compte près de 5,4 million d’immigrant·e·s et réfugié·e·s vénézuélien·ne·s dans le monde. Selon un rapport datant de janvier dernier, 162 000 caminantes (immigrant·e·s se déplaçant à pied) entreront en Colombie cette année. Nombre des femmes et filles parmi eux risquent de connaître l’exploitation sexuelle et la violence. En décembre 2020, les populations immigrantes rapportant le plus grand nombre de cas de violences étaient les femmes vénézuéliennes, selon le Système d’information intégré sur la violence de genre (SIVIGE). 

L’UNFPA a constaté l’afflux de personnes sur le terrain, avec l’établissement de 19 espaces sûrs à Norte de Santander et Arauca, à la frontière entre la Colombie et le Venezuela, ainsi qu’à Nariño et à Chocó sur la côte pacifique. En 2019, plus de 350 femmes ont été formées comme animatrices de collectivité pour repérer les risques de violence basée sur le genre, les gérer et proposer une aide préventive et curative. Elles ont permis d’aider 4 000 immigrantes vénézuéliennes, femmes autochtones, afrodescendantes, victimes du conflit armé colombien ou habitantes locales très exposées à la violence basée sur le genre.

Lorsque la pandémie de COVID-19 s’est déclarée, toutes les activités des espaces sûrs sont devenues virtuelles. Cette année, l’UNFPA prévoit d’ouvrir six autres espaces, qui proposeront les mêmes services d’aide psychosociale et d’information et les mêmes activités, permettant l’accueil de 3 200 femmes supplémentaires.

Les voix des immigrantes vénézuéliennes

Les animatrices de collectivité ne se contentent pas de faire de la sensibilisation pour les immigrantes. Elles partagent aussi leurs propres expériences de survivantes, qui témoignent de leur force et inspirent les autres.

Griseida, par exemple, parle librement des violences qu’elle a subies pendant son trajet depuis le Venezuela en 2018, et comment, en tant qu’immigrante, elle a eu l’impression de n’avoir aucun droit en Colombie. Après sa visite dans un espace sûr, elle a appris qu’au contraire, elle en avait.

Elle a également pu recevoir un implant pour éviter de futures grossesses, se souvient-elle dans une vidéo produite pour la campagne « With All Senses », qui met en lumière les expériences réelles des immigrantes. Griseida parle aussi aux autres femmes, à la place desquelles elle était il n’y a pas si longtemps, de la violence basée sur le genre et de la santé et des droits sexuels et procréatifs. « Cela me rend heureuse d’aider des femmes qui vivent une situation difficile », déclare-t-elle. « Personne d’autre que nous, qui avons un passé marqué par la violence, ne peut aider les personnes qui sont aujourd’hui en souffrance. Même s’il me faut aller à l’autre bout du monde pour sauver une autre femme victime de maltraitance, j’irai. »

 

Transmettre

Marlyng, elle aussi, parle de son histoire. Pendant un an, après son arrivée en 2017, elle n’a survécu que grâce à la gentillesse et aux dons d’inconnu·e·s, avant de pouvoir subvenir elle-même à ses besoins. Pour transmettre cette générosité, elle a ouvert sa propre maison aux personnes immigrantes ayant besoin d’un endroit où dormir. Il y a eu jusqu’à 26 personnes en même temps chez elle. L’une de ces invité·e·s était une fille victime de violences de la part de son partenaire. Marlyng l’a accompagnée jusqu’à un espace sûr géré par l’UNFPA. La jeune fille n’est jamais revenue chez Marlyng, mais on a proposé à celle-ci de devenir animatrice.

« J’ai toujours été quelqu’un de serviable », raconte-t-elle. « Être animatrice me donne l’occasion d’aider les femmes. Pouvoir les soutenir, leur dire qu’elles ne sont pas seules, cela me touche beaucoup. »


Juliana, 17 ans, est déjà animatrice de collectivité, et informe les autres filles de la valeur de leur existence en tant que jeunes femmes. © UNFPA Colombie

Juliana, étudiante colombiano-vénézuélienne de 17 ans et animatrice de collectivité, a vécu dans les deux pays, et se rend régulièrement dans un espace sûr depuis un an. « J’ai appris des choses sur mes droits et mes possibilités », explique-t-elle. « J’ai expliqué à mes camarades de classe notre valeur en tant que femmes, et la nécessité de ne jamais se taire face à la violence, qu’elle soit physique ou verbale. »

C’est dans cet espace sûr qu’elle a pour la première fois reçu une éducation sexuelle. Elle sait désormais que pour réaliser son rêve de devenir psychologue, elle ne peut pas envisager de tomber enceinte trop jeune. Par-dessus tout, « j’aime cet espace car nous apprenons à avoir conscience de notre valeur en tant que femmes, à avoir une meilleure estime de nous-mêmes et à nous aimer. » Voilà une leçon qui devrait transcender toutes les frontières.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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