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Crise après crise, on demande l’impossible aux mères du monde entier

Ana Paula Francisco Adrade, infirmière en soins maternels au Mozambique, explique qu’il a été difficile de se procurer suffisamment de gants et de masques pour prodiguer des soins aux femmes enceintes pendant la pandémie.
  • 05 Mai 2021

NATIONS UNIES, New York ‒ « Nous étions toutes seules, tout le temps », raconte à l’UNFPA Tatuli Paghava, 31 ans, qui vit en Géorgie. Elle explique à quel point la pandémie de COVID-19 a aggravé les difficultés pour les mères.

« Tout est devenu plus dur… surtout pour les mères qui doivent tout faire toutes seules », ajoute Ani Mardaleishvili, 32 ans, géorgienne elle aussi. Elle travaille dans le secteur financier et s’occupe aussi de l’école à distance pour sa fille de 4 ans. « Et j’attends prochainement un deuxième enfant », dit-elle. 

Avant la pandémie, les mères supportaient déjà une charge financière, physique, émotionnelle et mentale terrible. Aujourd’hui, avec l’intensification des pressions économiques, la limitation de l’accès aux soins de santé, la réduction des services sociaux et l’augmentation des responsabilités de soin non rémunérées, ce fardeau devient écrasant. 

Les femmes sont en train de payer un prix énorme pour cette pandémie. Nous ne disposons pas encore de données complètes, mais les chercheurs et chercheuses constatent des tendances à l’augmentation de la mortinatalité, de la mortalité maternelle et à la dégradation de la santé maternelle dans le monde. Les femmes semblent également beaucoup plus affectées que les hommes par la perte d’emploi liée à la pandémie. 

Tous ces facteurs affectent négativement la santé et le bien-être à long terme des mères. 

Un standard impossible à atteindre

Dans des conditions de vie normales, les mères font déjà face à des attentes impossibles à réaliser. Celles-ci commencent dès la grossesse, selon les témoignages recueillis par l’UNFPA.

Suhail Imad Kazem, infirmière en Iraq, a reçu ce conseil : « Ne mange pas de citron pendant la grossesse, ton bébé sera impulsif », se souvient-elle en riant.

A newborn baby is placed alongside its mother, who is wearing a facemask.
Pour Marina Ridjic, à Sarajevo, accoucher avec un masque a été une difficulté inattendue. « La première fois qu’on respire l’odeur de son enfant, c’est à travers un masque », dit-elle.

« Mange des noix pour que ton enfant soit intelligent », a-t-on dit à Najla Hamid, qui est médecin en Iraq. 

« On m’a dit de ne pas regarder de films d’horreur », raconte Mme Mardaleishvili. « Pourquoi regarder un film d’horreur poserait problème ? Je n’en ai aucune idée. » 

« Ce que j’ai entendu de plus drôle pendant ma grossesse, c’est quand on m’a dit de ne pas me gratter le ventre, sinon mon fils naîtrait chauve », ajoute Rafca, qui vit au Liban.

Ces attentes irréalistes se prolongent par la suite. « On m’a dit que si je buvais trop d’eau, l’enfant urinerait beaucoup. C’est le conseil le plus bizarre qu’on m’ait donné pendant mon post-partum », raconte Sangrila, 31 ans, népalaise. 

Les attentes et les exigences vis-à-vis des femmes enceintes ne sont pas toujours aussi légères. 

Dans de nombreuses régions, les femmes doivent continuer pendant leur grossesse à effectuer des tâches très difficiles. « Pendant ma grossesse, on m’a demandé de travailler à la ferme », se souvient Naikya Devi Maharjan, une Népalaise de 42 ans, mère de quatre enfants. « Nous n’avions pas le temps de nous reposer. Il fallait travailler à la ferme et aussi à la maison. »

Par ailleurs, les femmes n’ont pas souvent de répit, même lorsqu’elles se remettent tout juste de l’accouchement et apprennent à s’occuper d’un nouveau-né. « En tant que jeune mère, je ne savais pas comment on s’occupait d’un bébé », explique Vivian Omondi, 18 ans, qui vit au Kenya et a un bébé de 3 mois. « C’est également très dur de trouver l’équilibre entre mes études et le fait d’être maman. »

La COVID-19, une crise pour les mères

Aujourd’hui, avec la pandémie, de nombreuses mères manquent de soutien et de stabilité.

A woman wearing a black headscarf rocks a baby in a basket.
Nur Bibi berce son quatrième enfant dans un lit suspendu, au refuge de Cox’s Bazar (Bangladesh).

« Il n’y a plus d’activité économique, plus d’argent. Les gens ne travaillent plus… tout cela crée du stress, et l’année n’est pas bonne », déplore Babirye Aisha, une Ougandaise qui vit au Soudan du Sud. 

« Expliquer tout cela à des enfants, c’est difficile », déclare Mme Mardaleishvili.

Les femmes enceintes font face à des obstacles dans leur accès aux soins, et connaissent une anxiété grandissante vis-à-vis des soins de santé maternelle – faut-il y avoir recours, et si oui à quelle fréquence ? 

« J’ai ressenti le besoin d’éviter les structures de santé pour mes consultations prénatales », raconte Amira Cerimagic à l’UNFPA à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). « Pour moi, ce n’était pas sûr d’aller accoucher à l’hôpital ». Heureusement, elle a pu accoucher chez elle en toute sécurité, avec l’aide d’une sage-femme.

Cette peur des structures de santé est très répandue, ce qui pourrait malheureusement conduire de nombreuses femmes à accoucher sans assistance médicale, ce qui est dangereux et peut se révéler fatal en cas de complications.

« Les patientes ont peur de contracter la COVID-19 en se rendant à l’hôpital », raconte Noreen Ada, infirmière aux Philippines. « Beaucoup ont tenté d’accoucher chez elles. »”

A midwife in a face mask and hair cover helps a new mother learn to breastfeed. The new mother is also wearing a facemask.
Lydie Mawelo, sage-femme, aide une jeune mère à allaiter dans un hôpital de Kinshasa © UNFPA RDC

En Iraq, Mme Kazem (infirmière) explique avoir intensifié les efforts avec ses collègues soignant·e·s, pour que les femmes enceintes et les jeunes mères se sentent rassurées : « il est essentiel d’assurer nos services et de leur donner le sentiment de sécurité qui leur manque. »

C’est aux sages-femmes qu’incombe la mission de veiller à la santé des femmes enceintes et des jeunes mères, alors qu’elles ont elles-mêmes vu leur charge de travail augmenter, y compris à la maison. « Notre responsabilité s’est accrue. Il est devenu essentiel de nous occuper de nous, de partager nos connaissances en matière de santé pour protéger les femmes enceintes au domicile desquelles nous travaillons, et pour protéger nos familles quand nous sommes à la maison », nous dit Roua Abdel Sater, sage-femme libanaise et mère de deux enfants.

Le travail de l’UNFPA apporte un soutien supplémentaire aux sages-femmes, grâce à des formations sur la prévention de l’infection et à la fourniture d’équipements individuels de protection. L’UNFPA soutient également la télémédecine et les cliniques mobiles pour renforcer l’accès aux services essentiels de santé prénatale, sexuelle et procréative.

Malheureusement, face à ces fardeaux très inégaux que portent les mères, les solutions durables – l’égalité des genres, des normes sociales valorisant et soutenant les mères, des programmes qui assurent leur santé et leur bien-être – restent encore bien loin.

Nous devons cesser de demander aux mères de réaliser l’impossible. Ce monde-là est possible.

 

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