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Au Sri Lanka, combattre la stigmatisation autour du VIH

Le taux de prévalence du VIH au Sri Lanka est estimé à moins de 0,1 %, mais la stigmatisation peut empêcher certaines personnes qui en sont atteintes d’être comptabilisées dans les données nationales. © UNFPA Sri Lanka
  • 01 Juin 2022

DISTRICT DE GAMPAHA, Sri Lanka – On avait donné à Kamal* une semaine à vivre. Il était étendu sur un lit d‘hôpital et ne pesait que 20 kilos lorsque le médecin lui a diagnostiqué le VIH et a fait cette prédiction terrible à sa famille et à ses ami·e·s qui étaient en salle d’attente. 

C’était il y a 15 ans. « Heureusement, même si le diagnostic a été tardif, je n’avais pas atteint le stade du sida », explique Kamal. « Mais je sais aujourd’hui que même les personnes séropositives peuvent vivre en bonne santé si elles reçoivent un traitement à temps. On me regarde pourtant toujours comme quelqu’un à éviter et à craindre ».

Kamal était travailleur social – il aidait les personnes souffrant d’addiction à l’alcool et à la drogue dans leur désintoxication et leur réinsertion. Le traumatisme de son auto-stigmatisation suite à son diagnostic l’a cependant poussé à se concentrer sur l’assistance aux personnes vivant avec le VIH, en tant que pair-éducateur auprès du partenaire de l’UNFPA Strategic Alliance for Research and Development.

« Mon expérience personnelle me motive à aller sur le terrain et aider les personnes comme moi. Les choses ont commencé à mal tourner une fois que j’avais accepté mon diagnostic », se souvient-il. « Un jour, je suis rentré du travail et j’ai constaté que mon beau-père avait vendu ma maison et jeté tout ce qui m’appartenait dans la rivière… je n’avais nulle part où aller, personne vers qui me tourner. »

Kamal a demandé une aide juridique et a déposé plainte, mais « chaque fois qu’on m’appelle à la barre, l’avocat de la partie adverse commence sa plaidoirie par la mention de mon statut VIH. Cela n’a aucune pertinence dans ce contexte, mais c’est comme ça que la société choisit de me définir. »

La séropositivité, source de stigmatisation 

Pour Kamal, l’auto-stigmatisation est la plus grande difficulté rencontrée dans son travail.

« Généralement, lorsqu’on parle de stigmatisation, on évoque des formes externes : comment la société et les autres perçoivent les personnes qui vivent avec le VIH », explique-t-il. « Mais l’auto-stigmatisation est la forme la plus grave et la plus néfaste de stigmatisation. »

Bien que le taux estimé de prévalence des adultes vivant avec le VIH soit faible, « une proportion significative d’entre elles ne se représentent pas pour être traitées ou suivies [et] ne sont pas prises en compte dans les statistiques nationales. »

Le travail de Kamal consiste à identifier les personnes vulnérables et à les encourager à se faire dépister. Le cas le plus difficile qu’il a eu à gérer a été un homme marié et père de deux enfants, qu’il a dû informer de sa séropositivité. Kamal et son équipe ont dû le poursuivre pour l’empêcher de se jeter sous un train, car il avait l’intention de mettre fin à ses jours. « Nous l’avons ramené dans notre bureau et nous sommes restés près de neuf heures avec lui », se souvient Kamal. « Sa peur, sa honte, sa propre stigmatisation vis-à-vis de lui-même le consumaient. Je me suis revu en lui. » L’équipe a depuis travaillé avec cet homme pendant plus d’un an. 

La pandémie, temps d’arrêt

Les confinements et les restrictions de déplacement suite aux deux premières vagues de la pandémie de COVID-19 ont rendu beaucoup plus complexes l’identification des personnes et le travail de terrain. L’inaccessibilité des préservatifs et le manque d’accès aux services d’aide ont encore aggravé la situation, mais Kamal et son équipe se sont adaptés en passant par l’application Telegram, via laquelle ils et elles ont pu mener des programmes en direct avec l’aide de médecins et d’autres professionnel·le·s de santé. Des groupes privés ont également été mis en place sur WhatsApp où les membres ont pu partager leurs inquiétudes et leurs frustrations, et bénéficier du soutien rapide de l’équipe de Kamal.

L’un des lieux principaux où les personnes vivant avec le VIH pouvaient se rendre pour être traitées est le National Institute of Infectious Diseases (communément appelé Infectious Disease Hospital), mais la priorité de l’établissement est devenue le dépistage et le traitement des patient·e·s COVID-19 pendant les moments les plus forts de la pandémie. Les tests se sont aussi arrêtés pour les personnes qui recevaient un traitement du VIH – elles sont normalement testées tous les six mois pour vérifier leur charge virale. « Nous ne savons pas si le traitement a fonctionné ou non », souligne Kamal. « Les médecins nous demandaient quoi faire. Ils n’avaient pas de place pour orienter les patient·e·s puisque les autres hôpitaux n’étaient pas équipés pour le traitement des personnes vivant avec le VIH. »

Au Sri Lanka, l’UNFPA, via le National STD & AIDS Control Programme, travaille avec des populations sensibles et des pairs-éducateur·trice·s comme Kamal, pour défendre une meilleure sensibilisation et un renforcement des tests en matière de VIH et de sida, et pour mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination qui entravent les droits de la personne, notamment l’accès à des informations et des services essentiels.

« Nous ne sommes pas près de mettre fin au sida dans le monde », déclare Kamal, « mais je vais continuer à me battre. » 

*Le prénom a été changé pour garantir l’anonymat et la protection

 

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