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8 mythes infondés sur les grossesses non intentionnelles

À 14 ans, Dankay Kanu (à droite, avec un mentor de l'ONG 2YoungLives, qui aide les filles enceintes en Sierra Leone à poursuivre leurs études et à trouver un emploi) est tombée enceinte d'un homme plus âgé qui a refusé de porter un préservatif puis a nié la paternité. Bien qu'elle ait quitté l'école pendant un certain temps, elle a depuis repris ses études tout en élevant seule son fils de deux ans, Ishmael. "Être mère à cet âge n'est pas vraiment facile", a-t-elle déclaré. @ UNFPA/Michael Duff
  • 05 Mai 2022

NATIONS UNIES, New York – La moitié. C’est la proportion alarmante de grossesses qui ne sont pas délibérément choisies par les femmes et les filles.

La crise négligée des grossesses non intentionnelles est le sujet du rapport phare de l’UNFPA sur l’état de la population mondiale 2022, récemment publié. Intitulé « Comprendre l’imperceptible : agir pour résoudre la crise oubliée des grossesses non intentionnelles », il met en lumière l’échec que représentent ces grossesses en matière d’application des droits humains fondamentaux. On dénombre en moyenne 121 millions de grossesses non intentionnelles par an, soit 331 000 par jour, et leur nombre devrait malheureusement augmenter à la faveur de l’accroissement de la population, à moins que des mesures énergiques ne soient prises. 

La capacité à décider d’avoir ou non des enfants, de leur nombre et du partenaire avec lesquels les avoir est essentielle pour garantir les droits reproductifs des femmes et des filles. Si ce droit se voit négligé ou compromis, que ce soit par des contraintes sociales ou des violences, un manque de services de santé ou la faible priorité générale accordée à la moitié féminine de la population, les conséquences se multiplient. Les grossesses non intentionnelles ont un impact à la fois sur les individus et les sociétés dans leur ensemble, entravant les progrès en matière de santé, d’éducation et d’égalité des genres, accroissant la pauvreté et le manque d’opportunité, et coûtant des milliards de dollars en ressources.

L’un des grands objectifs de l’UNFPA est la réalisation d’un monde où toutes les grossesses sont désirées. Nous vous présentons ci-dessous huit mythes sur les grossesses non intentionnelles qui contribuent à la honte, à la stigmatisation et à l’incompréhension qui entourent ces grossesses, et auxquels nous devons mettre fin pour résoudre cette crise.

Mythe n°1 : Seules les femmes « aux mœurs légères » et les adolescentes imprudentes tombent enceintes de manière non intentionnelle.

Toute femme fertile, quel que soit son âge, son statut marital ou sa situation, peut tomber enceinte de façon inattendue ; c’est aussi le cas de personnes qui ne s’identifient pas comme femmes. Faire porter la responsabilité du fort taux de grossesses non intentionnelles à des stéréotypes de genre est tout à fait déplacé.

Ainsi, bien que les contraceptifs modernes soient de plus en plus accessibles, aucune méthode n’est fiable à 100 %. L’abstinence sexuelle planifiée peut aussi échouer, notamment à cause de violences ou de coercition. D’autres facteurs entravent la capacité des femmes et des filles à exercer leur choix en matière de reproduction et d’autonomie corporelle : l’inégalité des genres, la pauvreté, la honte, la peur et la violence basée sur le genre. Les hommes jouent un rôle majeur dans ce phénomène : dans le monde entier, près d’un quart des femmes n’est pas en mesure de refuser un rapport sexuel. Le viol provoque un nombre de grossesses non intentionnelles au moins égal, si ce n’est supérieur, à celui engendré par les rapports sexuels consentis.

Jeunes ou vieilles, mariées ou célibataires, sexuellement actives ou non : toutes les femmes, personnes transgenres et non-binaires qui ont la capacité de tomber enceintes sont vulnérables.

Mythe n°2 : Les femmes n’utilisent pas de contraception car elles en ignorent l’existence ou ne peuvent pas s’en procurer.

Dans le monde entier, près de 257 millions de femmes ne souhaitant par tomber enceintes n’utilisent pas de moyens de contraception modernes et sûrs. Parmi elles, 172 millions n’utilisent aucune contraception. Le manque de connaissances ou d’accès à la contraception est aujourd’hui l’une des raisons les moins citées pour expliquer cette absence de contraception. L’une des raisons principales est l’inquiétude vis-à-vis des effets secondaires, l’absence ou la rareté des rapports sexuels, ainsi que l’opposition aux préservatifs ou à certaines autres méthodes. La désinformation sur les effets à long terme sur la fertilité ajoute à la peur qui entoure la contraception.

Dankay Kanu jeune fille
Sans accès à l'éducation sexuelle, Yajaira Alberto ne connaissait rien à la contraception et est tombée enceinte la première fois qu'elle a eu des rapports sexuels à 16 ans. Autrefois l'une des principales causes de non-utilisation de la contraception, le manque de sensibilisation est désormais l'une des raisons les moins citées. Mme Alberto, 34 ans, a eu une deuxième grossesse non intentionnelle à la fin de la vingtaine lorsque la contraception qu'elle utilisait a échoué. Après avoir terminé ses études, elle a rejoint la police et obtient un diplôme en travail social tout en élevant ses fils de 17 et 6 ans. © UNFPA/Wilton Castillo

 
Pour répondre à la crise des grossesses non intentionnelles, l’UNFPA a renforcé l’accès à la contraception, fournissant 724 millions de préservatifs masculins, 80 millions de plaquettes de contraceptifs oraux, et des dizaines de millions d'autres moyens de contraception rien qu’en 2020. Fournir ces contraceptifs est fondamental, mais résoudre la question des obstacles personnels et sociaux à la contraception l’est tout autant.

Mythe n°3 : Un accès légal et facilité à l’avortement encourage les femmes à avoir des rapports non protégés.

En réalité, le taux de grossesses non intentionnelles tend à être plus faible dans les pays disposant de lois plus libérales sur la question de l’avortement, où il est possible de bénéficier d’un avortement médicalisé sur demande ou à tout le moins dans un grand nombre de cas. Dans les pays où l’avortement est restreint ou interdit, les femmes qui tombent enceintes sans l’avoir planifié sont plus nombreuses.

Pour quelles raisons ? Parce qu’il existe un lien entre les grossesses non intentionnelles, l’accès à l’avortement médicalisé et les niveaux de développement social et économique. Les lois libérales sur l’avortement n’influencent pas le nombre de grossesses non intentionnelles. Au contraire, elles tendent à exister là où les droits des femmes et des filles sont respectés, et où des services de santé sexuelle et reproductive sont largement accessibles aux personnes sexuellement actives.

En résumé, lorsque les femmes ont accès à des services de santé adaptés et ont la capacité à faire valoir leurs droits à leur choix en matière de reproduction et à l’autonomie corporelle, les taux de grossesses non intentionnelles chutent, et ce quelles que soient les lois sur l’avortement.

Mythe n°4 : Les grossesses non intentionnelles sont toujours la faute de quelqu’un. La honte est une façon de les éviter.

Bien qu’au niveau individuel, les grossesses non intentionnelles soient en effet le résultat de rapports sexuels non protégés, les causes de cette absence de protection sont plus larges et ont des racines sociétales. La recherche montre que les taux de grossesses non intentionnelles varient beaucoup d’un pays à l’autre, et sont le reflet de niveaux de développement général. Les conditions sociales et économiques telles que le revenu, l’éducation, l’égalité des genres et la disponibilité de services de santé peuvent en grande partie déterminer si les femmes sont plus susceptibles ou non de tomber enceintes de façon non intentionnelle. Présenter ce problème comme résultant d’une responsabilité personnelle, c’est choisir d’ignorer ces facteurs essentiels.

Cela peut se révéler très dangereux. La stigmatisation autour des grossesses non intentionnelles peut renforcer les obstacles à la contraception pour les adolescentes et les femmes non mariées, ce qui les empêche partiellement ou totalement de demander des informations ou d’avoir accès à des services. Les pires conséquences des comportements qui privilégient la honte sont vécues par les femmes et les filles, et non pas par ceux qui les ont mises enceintes. Les « crimes d’honneur », par exemple, affectent dans leur écrasante majorité les femmes et les filles.

Mythe n°5 : Les femmes mariées n’ont pas à se soucier de grossesses non intentionnelles.

Les femmes et les filles mariées sont bien souvent ignorées dans les discussions sur ce sujet, tout simplement parce que l’on considère qu’être mariée signifie forcément avoir des enfants. En réalité, les femmes mariées sont tout aussi susceptibles que les autres femmes de connaître une grossesse non intentionnelle, parfois même plus. 

Il existe bien entendu un risque d’échec de la contraception, mais le mariage met aussi en jeu des questions de pouvoir et de liberté de choix : les adolescentes peuvent être forcées par leur famille à se marier précocement, pour éviter le déshonneur et la stigmatisation qu’entraînerait une grossesse hors mariage. Les filles ayant été mariées à des hommes beaucoup plus vieux qu’elles ont souvent fait peu d’études et ont peu de pouvoir, et nombre d’entre elles sont dans l’incapacité d’exercer un quelconque choix en matière de reproduction. La probabilité d’utiliser une contraception est 53 % moindre chez les femmes en situation de violences conjugales ou domestiques ; elles ont aussi deux fois plus de chances de signaler une grossesse non intentionnelle.

Mythe n°6 : Les grossesses non intentionnelles sont toutes des grossesses non désirées.

Même si 60 % des grossesses non intentionnelles se soldent par un avortement, elles ne sont pas toutes non désirées. Certaines sont « d’heureux accidents », et les femmes choisissent de les mener à terme. Une grande enquête menée en France révèle que les femmes sont plus susceptibles de parler de leur grossesse comme non planifiée plutôt que comme non désirée.
 
L’attitude des femmes vis-à-vis de la grossesse peut changer au fil du temps. Certaines ne sont pas sûres de vouloir des enfants ou bien d’agrandir leur famille. D’autres en sont certaines mais leur indécision provient de l’instabilité de leurs circonstances actuelles et futures. Certaines changent d’avis juste avant ou même pendant la grossesse. D’autres peuvent cependant se résigner au fait que la grossesse est quelque chose que l’on attend d’elles, comprenant ainsi que le choix ne leur appartient pas entièrement, voire pas du tout. De plus amples recherches et de meilleures définitions sont nécessaires pour démêler ces situations les unes des autres, et pour mieux permettre aux femmes de faire des choix véritables et éclairés en ce qui concerne leur corps et leur avenir.

Une mere avec son bébé
Rahmadina Talusan Malang est tombée amoureuse à 14 ans du frère aîné d'un camarade de classe. Lorsqu'elle est tombée enceinte, ils se sont mariés et ont eu un deuxième enfant. Bien qu'elle se dise heureuse d'être mère, la jeune fille de 18 ans souhaite avoir fait plus – y compris terminer ses études – avant de s'installer. "Je veux que [ma fille] finisse ses études, ne finisse pas comme moi et atteigne ses objectifs avant de se marier", a-t-elle déclaré. © UNFPA/Rosa May DeGuzman

Mythe n°7 : Allons, les grossesses non intentionnelles ne sont pas une vraie crise, si ?

Le fort taux de grossesses non intentionnelles a des conséquences terribles au niveau mondial, qui affectent presque tous les aspects du développement humain. Dans un monde déjà aux prises avec des difficultés aussi prégnantes que les changements climatiques, les conflits, les catastrophes naturelles et la migration de masse, les grossesses non intentionnelles et ses conséquences néfastes représentent une perte monumentale : des millions de dollars de soins de santé, de plus faibles niveaux de progrès social, des taux très élevés d’avortements non médicalisés provoquant une mortalité maternelle forte, ainsi que l’accroissement de la pauvreté et de la famine.

Par-dessus tout, cette crise gâche le potentiel des femmes et des filles. L’impossibilité d’avoir le contrôle sur leur santé reproductive enferme des millions d’entre elles dans un cercle vicieux de misère et d’opportunités manquées, qui rejaillit sur plusieurs générations. Rendre aux femmes leur autonomie pour qu’elles puissent faire des choix conscients et délibérés au sujet de leur(s) grossesse(s) est une étape essentielle dans le progrès en matière d’éducation, de santé et d’égalité des genres – et c’est là que résident tous nos espoirs pour notre planète.

Mythe n°8 : Restons positif·ve·s, une grossesse non intentionnelle, ce n’est pas la mort.

Les conséquences des grossesses non intentionnelles sont bien souvent handicapantes, voire létales.

Plus de trois grossesses non intentionnelles sur cinq se soldent par un avortement, et l’on estime que 45 % des avortements sont non médicalisés, pratiqués dans des pays où il est illégal, restreint ou inabordable dans des conditions sûres. Les avortements non médicalisés provoquent l’hospitalisation de près de 7 millions de femmes par an dans le monde entier, et représentent l’une des principales causes de mortalité maternelle.

Même les grossesses non intentionnelles qui ne se terminent pas par un avortement non médicalisé sont pourtant corrélées à des niveaux plus élevés de mortalité maternelle. Les femmes vivant une grossesse non intentionnelle sont plus susceptibles de ne pas recourir à des services de soins prénatals, et plus vulnérables à la dépression post-partum. Certaines études établissent un lien entre les grossesses non intentionnelles et la prééclampsie ou l’hémorragie post-partum, qui sont toutes deux des causes majeures de mortalité maternelle.

Tout cela a un impact sur les taux globaux de mortalité maternelle – le dernier rapport de l’UNFPA a examiné l’incidence estimée de grossesses on intentionnelles et les taux de mortalité maternelle dans les pays étudiés, et a déterminé qu’il existait une forte corrélation entre les deux – mais aussi sur la santé et le bien-être des mères plus généralement.

Finalement, lorsque les sociétés restreignent les choix reproductifs des femmes, la maternité peut devenir une situation par défaut au lieu d’un désir et d’un choix réfléchi. Au contraire, quand les sociétés donnent aux femmes l’autonomie nécessaire pour faire leurs propres choix, elles reconnaissent la valeur intrinsèque des femmes. Les pays présentant de plus hauts niveaux de choix éclairé réduisent à la fois les grossesses non intentionnelles et leurs conséquences négatives à long terme.

– Abigail Haworth
Mise à jour : 5 mai 2022

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