Les informations sur les données sont basées sur des enquêtes réalisées auprès des ménages basées sur la population représentative aux niveaux national et/ou infranational.
“Les mutilations génitales féminines infligent aux femmes des souffrances lors des rapports sexuels avec leurs maris et des souffrances indescriptibles lors de l’accouchement”, déclare Aisha Dima Abdella.
Pendant ses vingt années de travail en tant qu’accoucheuse traditionnelle dans le district d’Abala, de la région Afar en Éthiopie, Aisha a été témoin de cette douleur insoutenable.
Les mutilations génitales féminines (MGF) sont une pratique qui consiste à modifier ou à blesser les organes génitaux féminins pour des raisons non médicales. À l’échelle internationale, cette pratique est reconnue comme une violation des droits humains.
Les MGF ont de graves conséquences sur la santé et le bien-être des femmes et des filles. Lorsque les filles sont excisées, elles sont exposées à des risques immédiats d’hémorragie, de choc, de blessure grave et d’infection, parfois si graves qu’ils peuvent entraîner la mort.
De nombreuses filles et femmes subissent également des conséquences à long terme sur leur santé, et notamment des problèmes de fertilité, une vulnérabilité accrue aux infections, ainsi que des difficultés et des douleurs lorsqu’elles ont leurs règles, urinent ou ont des rapports sexuels.
Cette pratique peut entraîner des complications potentiellement mortelles pendant l’accouchement. En effet, elle rend l’accouchement encore plus douloureux que d’habitude et augmente le risque de travail prolongé et de dystocie, ce qui peut entraîner une fistule obstétricale débilitante et mettre en péril la vie de la mère et du bébé.
À l’échelle mondiale, le nombre de filles et de femmes actuellement en vie et ayant subi une forme quelconque de MGF est estimé à environ 200 millions.
En Éthiopie, les MGF ont été interdites par la loi depuis 2004, et les attitudes à l’égard de cette pratique connaissent une certaine évolution. La plupart des Éthiopiens, dont 79 % de femmes et de filles (âgées de 15 à 49 ans), estiment que les MGF doivent être abolies. Par ailleurs, le pourcentage de personnes défavorables à cette pratique a considérablement augmenté depuis l’année 2000.
Cependant, 25 millions de filles et de femmes en Éthiopie ont subi des MGF, soit le plus grand nombre absolu en Afrique orientale et australe. Et si le taux de prévalence des MGF est en baisse en Éthiopie (taux à la croissance la plus rapide par rapport aux autres pays à forte prévalence), il faudrait multiplier ce taux de diminution par huit pour éliminer les MGF à l’horizon 2030, comme le prévoit la cible ODD 5.3.
La pratique des MGF est ancrée dans des normes sociales et sexospécifiques néfastes, profondément enracinées et souvent associées à des traditions culturelles. Même lorsque les personnes sont réellement opposées à cette pratique, les pressions sociales exercées par la famille, les voisins et les autres membres de la communauté peuvent rendre difficile la prise de position contre cette dernière. Au sein des communautés où cette pratique est répandue, les filles qui ne subissent pas de MGF peuvent être stigmatisées, tout comme leurs familles.
C’est principalement la raison pour laquelle l’élimination des MGF nécessite l’implication de toutes les communautés. Lorsqu’une communauté décide de manière collective d’abandonner cette pratique, aucune fille ou famille ne se trouve désavantagée par la décision.
Le processus conduisant à un abandon collectif commence par des dialogues communautaires, qui donnent l’occasion aux membres de la communauté de prendre connaissance non seulement des dommages causés aux filles par les MGF mais aussi des aspects touchant aux droits humains en ce qui concerne cette pratique. Ces dialogues font intervenir tout un ensemble de parties prenantes, notamment les chefs traditionnels et religieux, les activistes locaux, les forces de l’ordre, les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, les enseignants et les jeunes.
En tant qu’accoucheuse traditionnelle riche d’une longue expérience de travail dans sa communauté, Aisha possède le type de connaissances et d’influence nécessaires pour jouer un rôle clé dans ce processus.
Lors des conversations communautaires bihebdomadaires et des rassemblements sociaux, elle dispense des enseignements sur les conséquences négatives des MGF et du mariage des enfants, deux pratiques néfastes souvent étroitement liées. Elle va également de maison en maison pour déconstruire les idées fausses que les membres de la communauté pourraient avoir.
Ces activités sont soutenues par le programme intégré visant à prévenir le mariage des enfants et les MGF, qui a été mis en œuvre depuis 2012 dans les districts d’Afambo et d’Abala de la région Afar, avec le soutien de l’Association suédoise des Nations unies, dans le cadre du projet de l’équipe spéciale des Nations unies pour les adolescentes. Ledit programme est placé sous la supervision du Bureau de la condition féminine et de l’enfance de cette même région. Premier du genre, le programme vise à favoriser l’abandon de manière intégrée de ces deux pratiques néfastes. Pour atteindre davantage d’adolescentes, les interventions sont coordonnées avec le Programme conjoint UNFPA-UNICEF sur l’élimination des Mutilations Génitales Féminines, qui est également mis en œuvre en Éthiopie, au même titre que le Programme mondial UNFPA-UNICEF visant à mettre fin au mariage des enfants.
En plus de soutenir la mobilisation au niveau communautaire, le Programme intégré vise à créer des plateformes et des espaces sûrs pour les filles à risques, à améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, notamment pour prendre en charge les complications que peuvent connaître les filles ayant subi des MGF ou un mariage d’enfants, et à renforcer les capacités institutionnelles des partenaires pour protéger les adolescentes et leur fournir les services dont elles ont besoin, en particulier par la sensibilisation du personnel de santé.
Le programme se donne également pour objectif d’autonomiser les adolescentes en encourageant leur scolarisation et leur culture financière. Il intervient dans les écoles en vue de créer des environnements positifs et sûrs destinés aux filles, de mobiliser également des communautés scolaires entières en faveur du mouvement de lutte contre les MGF et le mariage des enfants. Des allocations mensuelles et des fournitures, notamment du matériel éducatif et des trousses de dignité, sont offertes afin de permettre aux filles défavorisées d’aller à l¹école avec assiduité et d’éviter le décrochage scolaire.
Les mutilations génitales féminines (MGF) ne servent à rien si ce n’est à endommager le corps de la jeune fille et à mettre sa vie en danger.
des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales féminines en 2016 en Éthiopie
parmi celles âgées de 15 à 19 ans sont aujourd'hui touchées par les mutilations génitales féminines, contre près de 9 sur 10 vers 1970. La tendance est donc à la baisse
Grâce aux activités du programme, notamment les conversations communautaires, plus de 30 000 personnes dans les localités d’intervention ont fait connaitre publiquement leur intention d’abandonner les MGF et le mariages des enfants. Ces déclarations ont été faites en présence des principales parties prenantes, notamment les adolescentes, les chefs religieux, les chefs de clan et les sages.
Selon les responsables des établissements scolaires et les autorités locales du district d’Abala, le programme a également un impact sur le décrochage scolaire. Les clubs de filles organisent des discussions au cours desquelles les filles, mariées ou non, peuvent parler ouvertement de leurs problèmes et signaler les risques auxquels elles sont confrontées. Elles reçoivent également un soutien leur permettant de rester ou de retourner à l’école et apprennent à ouvrir des comptes d’épargne.
“Je suis très heureuse de faire partie du mouvement de changement social mis en place par le programme”, déclare Aisha.
Elle admet que beaucoup reste à faire, et se dit prête à continuer. « Si je suis témoin des MGF et du mariage des enfants, je ferai tout ce qu’il faut pour signaler le problème aux autorités », affirme-t-elle. Il est particulièrement important de maintenir la dynamique impulsée par le programme, afin d’éviter toute évolution souterraine de ces pratiques néfastes, prévient-elle.
Toutefois, étant donné que la communauté est à la pointe du changement, Aisha est persuadée que les progrès réalisés à ce jour pour mettre fin aux mariages des enfants et aux MGF sont durables.
Je ne crains pas que les changements que nous observons et les progrès réalisés à ce jour viendront à être anéantis à l’avenir, étant donné que la communauté les assume.
