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Népal : donner aux filles les moyens de dire « non » au mariage d’enfants

Avec l’aide de ses camarades de Choose Your Future, Usha a contrecarré les plans de ses parents qui voulaient la marier à 15 ans. Photo : William A. Ryan<
  • 09 Octobre 2012

KAPILVASTU, Népal — Bijay Laxmi, 15 ans, est mariée depuis l’âge de 11 ans. Dans quelques mois, elle ira vivre au sein de la famille de son mari, qu’elle ne connaît pas. Sa vie consistera à cuisiner, s’occuper du bétail et, sans aucun doute, à avoir des enfants. Elle sait qu’il est dangereux d’accoucher à un si jeune âge, mais ce n’est pas elle qui décide.

 

 

 

 

Je ne voulais pas me marier si jeune, mais que pouvais-je faire ? » se lamente-t-elle. « J’essaierai de convaincre ma belle-famille qu’il est préférable d’attendre quatre ans pour que j’aie des enfants. »

Au Népal, le mariage d’enfants est interdit par la loi et pourtant la moitié des filles se marie avant l’âge de 18 ans. Les campagnes s’insurgeant contre cette pratique commencent à porter leurs fruits et un nombre croissant de filles apprennent à défendre leurs droits et s’opposent à cette coutume. Malheureusement, pour de nombreuses filles, le changement, trop lent, arrive trop tard.

Trop jeunes, trop pauvres

Shanti s’est mariée à l’âge de 12 ans, mais son mari et elle ont décidé de faire quelques économies avant d’avoir des enfants.
Photo : William A. Ryan/UNFPA

Shanti, 16 ans, vit avec son mari Ramesh et sa famille depuis deux ans. Ramesh, 17 ans, a abandonné ses études après la cinquième et n’a pas d’emploi.

« La vie est dure car mon mari n’a pas de revenus », déclare Shanti avant d’énumérer ses tâches quotidiennes : « Chaque jour, je prépare le repas du matin pour ma belle-famille, nourris le bétail, nettoie la cabane, surveille le bétail dans les champs, cuisine le repas du soir et nettoie les ustensiles de cuisine – toute seule. »

Ramesh affirme qu’il a le cœur brisé chaque fois que Shanti a besoin de quelque chose et qu’il doit lui dire qu’ils n’ont pas d’argent. « Je conseille aux autres jeunes de poursuivre leurs études, et de ne pas se marier tant qu’ils ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur famille », déclare-t-il.

Malheureusement, Ramesh et Shanti n’ont pas eu le choix. Leurs parents ont arrangé leur mariage lorsqu’ils avaient respectivement 12 et 11 ans.

Shanti se sent seule lorsque Ramesh est embauché comme travailleur manuel pendant plusieurs mois d’affilée en Inde et qu’elle doit rester avec sa belle-famille.

« Je suis mariée maintenant et ma mère ne peut plus s’occuper de moi », affirme-t-elle. « J’aime mon mari et je ne veux pas qu’il s’en aille. Mais nous sommes pauvres ; voilà la réalité. »

« Mon destin est tracé et je dois m’y faire, » ajoute Shanti. « Mais je supplie mes parents de permettre à mes sœurs d’étudier. »

La pression d’avoir des enfants

Ramesh et Shanti attendent de faire quelques économies pour devenir parents ; leur démarche est atypique. De fortes pressions sont exercées sur la plupart des jeunes mariées pour qu’elles deviennent mères le plus rapidement possible.

À 20 ans, Suneeta Kori est déjà mère de trois filles et d’un garçon. Lorsqu’elle s’est rendue au centre de santé pour faire vacciner le benjamin, elle a dit à un agent de santé qu’elle n’allait pas encore recourir à la planification familiale car sa belle-mère voulait qu’elle ait un deuxième fils.

À l’échelle mondiale, environ la moitié des filles en butte au mariage d’enfants vit en Asie du Sud. Plusieurs raisons socioculturelles et économiques expliquent la persistance de cette pratique néfaste. Mais le fil conducteur, que l’on retrouve chez tous les groupes ethniques et religieux, est le statut inférieur des femmes et des filles.

Les parents de Bijay Laxmi et de Shanti étaient influencés par une croyance traditionnelle selon laquelle le mariage de leurs filles impubères leur ouvrira la porte du paradis.

Le mariage d’enfants prive souvent les filles d’une éducation et les expose à la discrimination, à la violence domestique et à la maltraitance. Elles sont nombreuses à procréer alors que leur corps n’est pas encore prêt, ce qui entraîne des accouchements à haut risque tant pour la mère que pour l’enfant.

Initiatives visant à autonomiser les filles

Plusieurs initiatives informent les communautés népalaises des préjudices liés au mariage d’enfants et les avantages de la scolarisation prolongée des filles.

Un programme soutenu par l’UNFPA, Choose Your Future, éclaire les filles non scolarisées sur des questions de santé et encourage le développement de compétences de la vie courante.

Les enseignants de Choose Your Future tentent de convaincre les parents de permettre à leurs filles de poursuivre leurs études à plein temps ; de nombreux parents y souscrivent, notamment parce que l’éducation des filles est gratuite jusqu’en seconde.

Bijay Laxmi a décidé de suivre les cours de Choose Your Future suite à la visite d’un enseignant qui a expliqué le programme à sa famille. Elle est déjà promise à la famille de son futur mari et ne reprendra pas le chemin de l’école. Cependant, ses parents ont accepté de prolonger la scolarité de leur plus jeune fille, Prem Laxmi, qui est désormais dans le secondaire.

« Le mariage d’enfants est une coutume dans notre pays ; nous ne savions pas qu’il est néfaste avant d’entendre les explications de l’enseignant, » déclare Malati Sebak, sa mère. « Nous ne marierons pas Prem Laxmi avant qu’elle atteigne sa vingtième année. »

Les filles qui adhèrent à Choose Your Future prennent au sérieux ses messages sur l’autonomisation, et certaines ont commencé à prendre leur destin en main.

Bijay, 15 ans, est mariée depuis l’âge de 11 ans. Photo : William A. Ryan/UNFPA

Les filles autonomisées peuvent contrecarrer les plans de mariage

Usha, 15 ans, a été désignée déléguée de classe par ses camarades de Choose Your Future, qui leur apprend que le mariage d’enfants est illégal et peut entraîner des complications lors de l’accouchement. Elle a ensuite appris que ses parents envisageaient de la marier.

« Je me suis dit que j’étais déléguée de classe et que si je ne parvenais pas à empêcher mon propre mariage, personne n’allait défendre mes camarades. C’est pourquoi, avec l’aide de mes amies, j’ai fait face à ma mère, » se souvient Usha.

Lorsque Usha et ses camarades ont menacé d’informer les autorités de son mariage, ses parents ont fléchi et ont renoncé à leur projet.

Usha sait qu’il est préférable de scolariser les filles plutôt que de les marier. Lorsqu’on lui demande ce qu’elle voudrait faire plus tard, elle n’hésite pas et annonce fièrement : « Après mes études, je serai enseignante ou médecin, ou au moins commerçante ».

Après la rébellion d’Usha, d’autres filles de son groupe se sont opposées à leur mariage. Leurs parents se sont trouvés face à un dilemme car la dot qu’ils doivent verser augmente avec l’âge de la mariée.

La pauvreté demeure une cause sous-jacente

Sabrunisha Gaddi, mère de sept enfants et à nouveau enceinte, se plaint de ne pas avoir pu marier sa fille Kabrunisha de 14 ans.

« Je sais que le mariage d’enfants est un problème », dit-elle « mais mettez-vous à la place des parents : nous sommes pauvres. Il sera plus difficile de marier notre fille lorsqu’elle sera plus âgée ; de plus, nous avons d’autres enfants plus jeunes à la maison. »

D’après Sita Ghimire, de Save the Children Népal, il est crucial de convaincre les mères : « Les mères commencent par dire qu’elles aussi ont été mariées jeunes et qu’elles y ont survécu. Pourquoi leurs filles ne pourraient pas faire de même ? Nous leur demandons alors combien d’enfants elles ont eus, à quels problèmes elles se sont heurtées et si elles n’auraient pas préféré rester auprès de leurs parents au lieu d’être mariées à 9 ans ? Un déclic se produit alors et elles reconnaissent qu’effectivement, elles ne souhaitent pas que leurs filles vivent la même expérience. »

Les campagnes de sensibilisation des communautés visant à mettre un terme aux mariages d’enfants au Népal adoptent plusieurs formes, dont des spots à la radio et du théâtre de rue mis en scène par des enfants. La tendance est désormais d’intensifier les efforts de prévention, y compris le plaidoyer auprès des hommes et des garçons.

La Commission nationale de planification et les ministères du gouvernement collaborent avec les organismes des Nations Unies et des organisations de la société civile à l’élaboration d’un plan d’action sur le développement des adolescents qui traitera du mariage d’enfants.

L’objectif est de renforcer l’engagement à mettre fin à cette pratique pour qu’un jour prochain les filles, comme Bijay Laxmi, Shanti et Usha, soient réellement en mesure de décider de leur avenir.

.William A. Ryan

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