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À déconstruire : 5 mythes sur les violences sexuelles dans les situations d’urgence

Les équipes mobiles de l’UNFPA ont pris en charge des milliers de survivantes de violences basées sur le genre en Ukraine. Une jeune mère est aidée par une équipe mobile de l’UNFPA à Sloviansk. © UNFPA/Maks Levin
  • 18 Août 2017

NATIONS UNIES, New York – Les violences sexuelles sont très répandues à l’échelle mondiale. C’est un fait même en temps de paix et de stabilité, mais elles prennent plus d’ampleur en cas de crise humanitaire. 

Pendant les conflits, les corps des femmes peuvent devenir des champs de bataille : le viol est alors utilisé comme moyen de domination et d’humiliation. En cas de désastre naturel, les systèmes de protection s’effondrent également, ce qui rend les femmes et les jeunes filles vulnérables. Le mariage d'enfants, une forme de violence basée sur le genre, est souvent vu comme un mécanisme de défense dans les familles affectées par ces crises.

Pourtant, de fausses idées sur la violence basée sur le genre stigmatisent les victimes et ébranlent les mesures prises pour leur sécurité. 

Le 19 août, la Journée mondiale de l’aide humanitaire est l’occasion de réfléchir sur l’énorme tâche que représente la protection de celles et ceux qui sont frappés par la guerre, les catastrophes et l’instabilité. Dans le cadre de son action, la campagne #NotATarget (pas une cible) exige que toutes les formes de violence sexuelle soient punies par la loi, qu’un soutien soit fourni aux victimes et que les coupables de ces violences soient traduits en justice. 

La Journée mondiale de l’aide humanitaire est également l’occasion de reconnaître que les obligations humanitaires mondiales ne peuvent être remplies sans la déconstruction des mythes qui perpétuent les violences et empêchent les victimes d’avoir accès aux services dont elles ont besoin.  

Ci-dessous, l’UNFPA présente et réfute cinq idées reçues dangereuses sur la violence basée sur le genre. 

Un refuge pour femmes dans une ville portuaire du Yémen. © UNFPA Yemen

Mythe n°1 : Les victimes de violence basée sur le genre sont impuissantes.

Les personnes qui subissent ce type de violences sont souvent présentées dans les médias comme fragiles, faibles et en grande détresse. En réalité, ce préjugé d’impuissance se retourne contre les victimes.

La réaction des personnes qui subissent des violences se décline en une infinité de nuances. Certaines sont en colère, d’autres en détresse. Certaines ne présentent aucune réaction visible. Les idées reçues sur la façon dont sont censées réagir les victimes conduisent souvent à mettre en doute des récits de violences pourtant bien réels.

L’UNFPA considère les victimes de violence plutôt comme des survivants, qui peuvent non seulement guérir mais aussi agir et faire preuve d’initiative. 

Il est possible et nécessaire de redonner le pouvoir aux survivants de violences basées sur le genre. Les survivantes sont en effet les mieux placées pour exprimer leurs besoins et expliquer leurs difficultés, qui peuvent notamment être la stigmatisation, le manque de services juridiques, un mauvais accès aux soins médicaux ou une absence de ressources qui les empêche de recourir aux services dont elles ont besoin. 

S’ils sont mis en place correctement, certains programmes peuvent aider les femmes à être protégées des violences, à demander des poursuites, et à acquérir les compétences nécessaires pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Certaines survivantes pourront à leur tour militer pour les droits des femmes et des jeunes filles. 

Une famille déplacée ouvre un kit de première nécessité de l’UNFPA à Mindanao, aux Philippines. Il contient des produits essentiels de survie, comme du savon, une lampe torche ou une radio. © UNFPA 

Mythe n°2 : En cas de catastrophe humanitaire, les services de pemière nécessité comme la nourriture et le logement sont plus importants que le traitement des violences sexuelles et des violences basées sur le genre.

La violence basée sur le genre est souvent mise de côté car elle est perçue comme « un problème qui concerne les femmes », et donc traitée comme un problème secondaire dans l’action humanitaire.

Cependant, traiter cette violence permet de sauver des vies, et c’est une priorité dans toute intervention d’urgence.

La violence sexuelle elle-même peut être fatale, et c’est souvent le cas. Après avoir subi des violences, les conséquences pour les survivantes peuvent être durables (que ce soit un handicap ou une stigmatisation), ce qui les empêche de recourir à des services qui pourraient leur sauver la vie. La peur des violences elle-même peut être mortelle : les femmes et les jeunes filles n’osent plus ramasser du bois pour le feu ni faire la queue pour se procurer de la nourriture.

Les programmes destinés à mettre fin à ces violences offrent une protection dans toutes leurs étapes.

Les traitements administrés après un viol empêchent la transmission du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles, et la contraception d’urgence permet d’éviter les grossesses non désirées, très dangereuses dans un contexte de crise humanitaire.

La prévention de la violence peut aussi sauver des vies. L’UNFPA distribue par exemple des kits de première nécessité aux femmes et aux jeunes filles vulnérables ; ils contiennent du savon et des serviettes hygiéniques, mais aussi une lampe torche et une radio pour se déplacer en toute sécurité en cas de crise. 

L’UNFPA fournit des kits de traitement post-viol ainsi que d’autres équipements de santé essentiels dans le sud du Soudan, où les violences sexuelles sont monnaie courante. © UNFPA/Tim McKulka

Mythe n°3 : Le personnel d'aide humanitaire ne peut agir que si les violences sexuelles sont prouvées.

On croit souvent que des preuves sont nécessaires pour que le personnel humanitaire puisse agir ou allouer des fonds pour traiter la violence basée sur le genre. En réalité, l’exploitation sexuelle, les violences conjugales et autres formes de violences sont une menace connue dans les situations d’urgence.

Même en temps de paix, récolter des preuves est difficile parce que les survivantes se taisent, que ce soit par honte, par peur, ou suite à des menaces. De plus, les plaintes pour violences sont souvent mises en doute ou rejetées.

Dans un contexte de crise, ces conditions se font sentir de façon plus aigüe.

On sait cependant que le déplacement des populations et l’effondrement des systèmes de protection aggravent les risques de violences. Le viol et les autres formes de violence sexuelle sont connus pour être des tactiques de guerre dans tous les conflits récents.

Personne ne remet en question la préparation de repas, de tentes et de matériel médical en prévision d’un typhon, car l’on sait que ces équipements sauveront des vies. Il faut appliquer la même logique aux programmes qui préviennent et traitent la violence basée sur le genre. Attendre la preuve de violences à grande échelle est contraire à l’éthique. Il faut agir dès les premiers moments d’une intervention d’urgence. 

Daw Lu Bu, travailleuse sociale dans un centre pour femmes financé par L’UNFPA, dans la province de Kachin ravagée par le conflit, au Myanmar. © UNFPA/Yenny Gamming

Mythe n°4 : Traiter la violence basée sur le genre implique d'imposer des idées et des valeurs à d'autres cultures.

La violence basée sur le genre existe dans tous les pays, toutes les cultures et toutes les communautés. C’est la violation des droits de l’homme la plus répandue et pourtant la moins dénoncée dans le monde. On estime qu’elle affecte 35 pour cent des femmes. Les hommes et les garçons la subissent aussi. Cela s’applique à tous les pays.

Cette violence est presque universellement reconnue comme inacceptable et condamnable. La plupart des actes de violence basée sur le genre (pas tous) sont interdits par la loi dans la majorité des pays. Un grand nombre de conventions et d’outils internationaux reconnaissent la violence basée sur le genre comme une violation des droits de l’homme.

Les gouvernements nationaux sont responsables de la protection de leurs citoyens contre la violence basée sur le genre pendant les conflits. L’UNFPA travaille avec les gouvernements et les responsables locaux pour soutenir les interventions et la prévention déjà existantes. L’UNFPA forme notamment des agents de police, des avocats et des juges pour faire en sorte que les lois nationales soient appliquées.

Des femmes enceintes dans une structure de santé d’un camp de protection à Djouba. Il faut fournir aux services humanitaires des moyens de réduire les risques auxquels sont exposées les femmes et les jeunes filles. © UNFPA South Sudan/Arlene Calaguian Alano

Mythe n°5 : Seuls les experts sont aptes à traiter les violences sexuelles.

Les survivantes des violences basées sur le genre ont besoin d’une assistance spécialisée et délicate. L’UNFPA, qui gère la coordination de la prévention et du traitement de la violence dans les situations d’urgence, soutient nombre de ces services, et notamment une prise en charge médicale confidentielle, une thérapie prenant en compte les dimensions culturelles, et des espaces protégés.

Cela ne signifie pas que seuls les experts peuvent ou doivent répondre aux violences sexuelles. Tout le personnel humanitaire d’urgence doit prendre ses responsabilités et agir pour réduire les risques auxquels femmes et jeunes filles sont exposées.

Les groupes d’aide qui fournissent de l’eau potable peuvent par exemple veiller à ce que les points de distribution soient suffisamment nombreux pour que les femmes et les jeunes filles n’aient pas à marcher longtemps pour trouver une pompe, car c’est souvent dangereux. Les groupes en charge de construire des latrines peuvent, eux, s’assurer que les chemins pour y parvenir soient bien éclairés, ce qui réduit les risques d’attaques.

Pour accomplir leur devoir fondamental, servir les plus vulnérables, tous les travailleurs humanitaires doivent s’engager à réduire la violence basée sur le genre. 

Traduit de l'anglais par Marie Marchandeau

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